Nathalie Béasse à Avignon: "S’il y a 500 personnes dans le public, ça fait 500 spectacles différents"

Images et corps, objets et mouvements, les chemins creux et pluriels de "Ceux-qui-vont-contre-le-vent".

Nathalie Béasse à Avignon: "S’il y a 500 personnes dans le public, ça fait 500 spectacles différents"
©Christophe Raynaud de Lage | Festival d'Avignon

"Nous jouons avec l’empêchement comme un jeu d’enfant. Nous voyons tout se construire et se déconstruire." Aussi explicites qu’emplies de mystère, les intentions de Nathalie Béasse embrassent les sens du jeu. Intitulée d’après le peuple Omaha d’Amérique du Nord, sa pièce Ceux-qui-vont-contre-le-vent englobe d’emblée la notion de tribu, de famille désignée ou choisie, de fratrie. Et, en son cœur, les aléas de la communication.

Un brouhaha précède la troupe entrant au devant du plateau, dans le cloître des Carmes : une dispute animée – il y en aura d’autres –, pleine d’invectives et en plusieurs langues. Quelque chose ou quelqu’un a disparu ; où chercher ? "Je voudrais vous dire tellement de choses, c’est beau, c’est immense…"

Poétique du manque

Formée aux arts plastiques et à la vidéo, proche du cinéma, tournée vers la performance, la metteuse en scène et scénographe française bâtit une œuvre à la frontière du théâtre, de la danse et des arts visuels.

Objets, corps, costumes, espace, tout chez elle est matière à jouer. Tout ici esquisse une paradoxale et roborative poétique du manque. Tout s’inscrit en cycles qu’habitent et portent avec grâce Mounira Barbouch, Estelle Delcambre, Karim Fatihi, Clément Goupille, Stéphane Imbert, Noémie Rimbert, Camille Trophème.

Circularité et fluidité au Cloître des Carmes avec "Ceux-qui-vont-contre-le-vent".
Circularité et fluidité au Cloître des Carmes avec "Ceux-qui-vont-contre-le-vent". ©Christophe Raynaud de Lage | Festival d'Avignon

Au toucher omniprésent – d’une chute rattrapée à la pluie de ballons que s’acharnent à éclater les sept interprètes – répond l’intangible obstiné, la béance où chacune, chacun versera sa propre perception.

Éloge du repentir

S’il semble malaisé d’évoquer le spectacle autrement qu’en "tableaux", sa picturalité – puissante, mouvante – ne suffit pas à le définir. Mais emprunte volontiers la définition du repentir, ces traces plus ou moins visibles des transformations voulues par l’artiste sur la toile.

Abreuvé d’inspirations multiples, de la peinture à l’écriture ou la musique, l’ensemble avance crânement son caractère disparate. Ose la citation (de Rilke, Flaubert, Dostoïesvski, Duras ou encore Gertrude Stein), convoque sans s’y appesantir l’esprit de Pina Bausch, déploie une fantaisie ludique toujours voilée de gravité.

Quiconque cherchera dans Ceux-qui-vont-contre-le-vent un fil rouge, une dramaturgie univoque, en seront pour leurs frais. Rangé par le Festival d’Avignon sous la bannière "Indiscipline", l’opus oscille de la comédie au pugilat, entre peur et douceur, empreint en tout temps d’une irréductible élégance.

À voir, à recevoir, à ressentir cette création, on se réjouit de ce que Coline Struyf, nouvelle directrice du Varia, souhaite proposer au public bruxellois un focus sur l’univers de Nathalie Béasse lors de la saison 2022-2023.

  • Festival d’Avignon, jusqu’au 25 juillet – www.festival-avignon.com
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