La mort comme une ode à la vie: notre critique d'"Ad Vitam", le nouveau show d'Alex Vizorek
Pour son 2e show, Alex Vizorek se confronte à son angoisse de la mort avec un humour kaléidoscopique et jouissif.
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Publié le 09-08-2021 à 17h16 - Mis à jour le 10-08-2021 à 06h53
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Il y a un peu plus de dix ans, lorsqu'il débarque avec son premier spectacle Alex Vizorek est une œuvre d'art, peu auraient osé miser sur le succès de ce jeune humoriste belge au style intello-chemise dans le pantalon. Qui plus est sur un sujet plutôt connoté élitiste : l'art. Et pourtant ! Une décennie plus tard, le défi - faire rire les spectateurs, des plus novices ou plus incollables, tout en leur parlant de Magritte, Bergman… - a été plus que largement relevé : Belgique, Suisse, France…, son one-man-show a tourné partout jusqu'à remplir l'Olympia.
Homme de challenges, à quoi Vizorek pouvait-il donc bien s'attaquer pour sa nouvelle création ? À la mort, pardi !, sujet qui, par excellence, prête rarement à s'esclaffer. L'affaire était pliée : il proposerait un nouveau spectacle sur le trépas. Première d'Ad Vitam prévue en avril 2020. Mais c'était sans compter le Covid. Pas de quoi toutefois démonter l'humoriste : "Il faut davantage mettre des mots sur la mort que des chiffres." Mi-juin, il était donc sur la scène du Théâtre de la Toison d'Or (TTO) pour parler d'un sujet "qui concerne pas mal de gens", mais que "personne ne connaît vraiment".
"Un petit cochon devant une chipolata"
Alex Vizorek a tenu à créer ce spectacle autour de la Grande Faucheuse, c'est aussi parce que "ça m'angoisse", confie-t-il. Alors quoi de mieux que le théâtre pour exorciser ses peurs ?
Fidèle à son amour de l'art, il démarre en citant Baudelaire avec Le mort joyeux tiré des Fleurs du Mal : "Dans une terre grasse et pleine d'escargots / Je veux creuser moi-même une fosse profonde […]" L'occasion de rappeler que le poète "détestait les Belges" et excellait dans l'usage de l'oxymore, figure de style consistant à assembler deux mots contradictoires, comme "un socialiste honnête"…
Joyeuse en tout cas est la balade que nous propose ensuite Vizorek autour de la mort. Il rappelle ainsi que l'espérance de vie, graphique à l'appui, est en constante augmentation tandis que le défunt est, allez savoir pourquoi, toujours évoqué en termes élogieux. Cela étant, l'espèce humaine, contrairement aux animaux, est la seule à entretenir un tel rapport à la mort, pointe-t-il. Voyez "un petit cochon devant une chipolata"… Puis, qui dit mort dit aussi naissance et reproduction. Avec une question clé : "Doit-on faire des enfants ou plutôt être heureux ?"
De la zoologie à la biologie en passant par la philosophie (Heidegger, Épicure, Avicenne ; la réincarnation ; peut-on souhaiter la mort de quelqu'un ? ; l'orgasme, assimilé à "la petite mort" ; les fantasmes à essayer avant de pousser son dernier souffle) et l'art, Alex Vizorek, mis en scène par Stéphanie Bataille, démontre, une nouvelle fois, toute sa virtuosité à faire vibrer intelligence et esprit sur la corde de l'humour. Sans fausse note, Ad Vitam érige la mort en ode à la vie.