Jacqueline Bir, démentielle "Dame à la camionnette"

Alain Leempoel adapte et crée la pièce pour la première fois en français.

Patrick Donnay, Bernard Cogniaux et Jacqueline Bir sur la scène de Wolubilis.
Patrick Donnay, Bernard Cogniaux et Jacqueline Bir sur la scène de Wolubilis. ©Marianne Grimont

Si son rêve de jouer un rôle d'homme ne s'est pas (encore) concrétisé, comme elle le confiait récemment dans La Libre, à 87 ans, Jacqueline Bir enrichit sa foisonnante carrière d'un personnage inédit, aux antipodes des reines et grandes dames qu'elle interprète depuis 70 ans. Ici, point d'atours somptueux, mais bien un visage crasseux, des cheveux hirsutes et des haillons. Jacqueline Bir est Miss Shepherd, une vieille dame sans-abri qui, au début des années 70, débarqua un beau jour à Camden Town (Londres) devant la maison du dramaturge Alan Bennett avec sa camionnette pour seul toit. Elle lui demanda de pouvoir se garer quelques mois chez lui. Elle resta… quinze ans.

Un rôle sur mesure

Histoire vraie contée par Alan Bennett, The Lady in the Van est, aujourd'hui, adaptée et créée pour la première fois en français (La Dame à la camionnette) par Alain Leempoel. Ami de longue date de Jacqueline Bir, il lui offre ici un rôle taillé sur mesure dans lequel elle laisse éclater toute la palette de son talent et son inégalable expérience théâtrale.

Sale, sans-gêne, acariâtre, entêtée, dévote, un brin folle…, Miss Shepherd dérange le voisinage cossu autant qu'elle l'intrigue. "Vous devriez faire comme moi, conseille-t-elle à Bennett. Prendre les gens comme ils sont. C'est un manque de discernement. D'aucuns pourraient me prendre pour une clocharde".

Malgré la puanteur qu’elle dégage, sa grossièreté, sa mauvaise foi et son caractère de chien, Alan Bennett s’attache à cette femme seule, cabossée par la vie et au passé mystérieux.

Bennett dédoublé

Plutôt que de conter cette histoire sous une forme linéaire, Alain Leempoel a eu l’idée astucieuse d’associer deux temporalités mais aux frontières poreuses : celle du passé, représentée par un Alan Bennett jeune, incarné par Bernard Cogniaux, et celle du présent, interprétée par Patrick Donnay en Bennett d’aujourd’hui, narrateur des faits. Bluffants, ces Bennett dédoublés et complices aident le spectateur à voyager des années 70 à aujourd’hui et, ainsi, à “résoudre” peu à peu l’énigme Miss Shepherd.

Autour de ce “trio”, Isabelle Paternotte et Frederic Haugness investissent le plateau, tour à tour, sans rupture, avec une galerie de personnages (un couple de voisins, la mère de Bennett, une assistante sociale, un docteur,…) qui livrent leur regard extérieur sur cette étrange cohabitation.

Enfin, élément phare du spectacle, la camionnette a été imaginée par Ronald Beurms, à qui l’on doit la magnifique scénographie ainsi que les décors (rehaussés par un mapping vidéo de Sébastien Fernandez), costumes et autres accessoires, mis en lumière par Alain Collet.

--> Bruxelles, Wolubilis, jusqu’au 9 octobre. Infos et rés. au 02.761.30.60 et sur www.wolubilis.be. Puis en tournée jusqu’au 20 novembre

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