Le train d’Europalia démarre, dansez maintenant…
Europalia et la Biennale de Charleroi Danse s’ouvrent avec le marathon de duos de danse de Boris Charmatz.
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Publié le 10-10-2021 à 09h23 - Mis à jour le 10-10-2021 à 09h31
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L’idée s’imposait de faire venir en Belgique le magnifique spectacle La Ronde de Boris Charmatz créé à Paris le 16 janvier dans un Grand Palais vide à cause du covid. Douze heures de danse fascinante récompensée parmi les prix de la critique en France.
Boris Charmatz est parti de La Ronde d’Arthur Schnitzler publiée en 1903 dans une atmosphère de scandale : « Schnitzler a imaginé ces duos enchaînés les uns aux autres. Il invente un protocole du désir perméable, transmis à l’autre, parfois dans la tension, dans l’absence de concordance. J’ai créé un protocole pour une chaîne infinie de duos dansants, chantants, parlants pour maintenir une continuité du vivant et du désir, plusieurs heures durant avec des artistes divers, hors normes. »
Pour Boris Charmatz cette crise du covid « a mis à mal notre désir d’assemblée, dans les théâtres, comme celui d’être à deux pour des couples confrontés à l’impossibilité de voyager. On croyait être sur un sol solide et voilà qu’il se dérobait. Pour des danseurs l’obligation de la distanciation sociale revenait à leur interdire de danser. Car l’essentiel de la danse est de briser les distances entre les gens comme le montre l’importance sociale des danses populaires dans les villages pour ceux qui n’osent pas se parler. La crise a rendu la danse impossible et à la fois plus désirable comme un horizon de rêve et de liberté où on se retrouvera sans masque et où on pourra à nouveau se toucher. »
Europalia a vu la richesse du protocole de La Ronde pour évoquer les trains et les gares (thème de cette édition du festival), ces lieux de passage, de rencontres, d’adieux, de retrouvailles. « On a tous un fantasme de croiser le regard d’un(e) inconnu(e) dans un train », dit Charmatz.

Bruxelles et Charleroi
Pour ouvrir son festival, Europalia a invité le chorégraphe français habitant à Bruxelles, à refaire sa Ronde pendant six heures, avec trois boucles de 16 duos, de 16h à 22h, ce 15 octobre en public dans le grand hall de la Gare du Nord. Charleroi Danse ouvrira sa Biennale le 16 octobre à 17h avec une version ramenée à deux heures et une boucle de 16 duos, dansée dans le Tri postal qui jouxte la gare.
Le protocole de La Ronde a été adapté a ces lieux où ils seront donné en public cette fois: « Ce que La Ronde a pu perdre en majesté en quittant le Grand Palais vide, on le gagne en humanité. »
« Tous les artistes prennent énormément le train. A 13 ans, je commençais à me rendre deux fois par semaine en train, parfois de nuit, de Chambéry à l’école de danse de l’Opéra de Paris. J’ai appris à dormir dans le train. Je ne dors jamais mieux que là si je peux m’y recroqueviller. Aujourd’hui, avec mes bureaux à Paris et Bruxelles où je vis, je suis 2 à 4 fois par semaine dans le train qui est devenu mon lieu de travail et mon espace de rêverie quand beaucoup de pensées défilent dans ma tête comme le paysage devant mes yeux. De plus, d’origine juive, j’ai été frappé par l’accusation de ‘pornographe juif’ faite à Schnitzler. Europalia n’occulte pas le fait que les trains, s’ils ont construit l’Europe, ont aussi signifié le trauma qui est à la naissance de l’Europe, la tentative d’extinction du peuple juif avec l’aide des trains. »
Rater le train
A l’instar de Trisha Brown qui dansait sur les toits de New York, Boris Charmatz a toujours voulu sortir la danse des seules salles de spectacle. Ses premières créations eurent lieu dans un salon de philosophie puis au couvent de la Tourette de Le Corbusier. « J’aime que la danse aille partout. Elle est un espace mental. Aujourd’hui, on danse via l’application TikTok, on danse sous sa douche ou dans des clubs de danse. Elle a une capacité de relier des gens qui ne seraient pas reliés sans elle. »
Pour Bruxelles et Charleroi, il y aura 16 danseurs (au lieu de 20 à Paris) pour enchaîner les duos. Si ATDK et François Chaignaud n’en sont plus à cause de leur calendrier de tournée, le casting reste aussi riche que varié. On a ajouté parmi les duos iconiques de Pina Bausch, Forsythe ou Marius Petipa, un duo venu de C(h)oeurs d’Alain Platel et c’est Pascal Grégory qui interprétera avec Sigrid Vinks le duo bouleversant Trintignant-Emmanuelle Riva dans Amour de Haneke.
Si le spectacle est gratuit il faut réserve un créneau si on veut une place assise et être près des danseurs (à cause des protocoles covid), mais on quitte quand on veut. « Tous ceux qui passeront dans la gare pourront le voir, d’un peu plus loin. Nous n’avons pas privatisé l’espace, on voulait que les gens circulent et puis s’assoient s’ils le veulent. Il y aura, mêlé à la musique, le bruit normal d’une gare. Notre souhait limite est que des gens qui passeront par là et n’avaient rien demandé nous découvrent et ratent le train, pour dire qu’il y a une place pour la culture et la danse dans la course de nos vies quotidiennes. Nous voulons avec La Ronde dire qu’on est encore là et que quoi qu’il arrive, on va continuer à danser, à se toucher. »
Infos et rés.: www.charleroi-danse.be. Attention quasi tout est déjà sold out.