Les voies, les voix et les creux de "Laboratoire Poison"
Le nouveau spectacle d'Adeline Rosenstein sera aux Halles du 13 au 15 octobre. Avant-propos.
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Publié le 11-10-2021 à 14h41 - Mis à jour le 12-10-2021 à 08h45
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À cinq jours de la première de Laboratoire Poison à Bruxelles, deux de ses interprètes sont retenus au Congo. Visas refusés à Michael Disanka et Christiana Tabaro. Adeline Rosenstein ne cache pas sa colère devant les "chaînes hiérarchiques à l'œuvre dans ce qu'on croit être un État de droit", et "cette nouvelle insulte raciste, colonialiste".
Aussi l'autrice, actrice et metteuse en scène – révélée chez nous par l'imposant, sobre et passionnant Décris Ravage – décrit-elle d'abord son nouvel opus comme "un spectacle en trois parties dans lequel il manque des gens : Olindo Bolzan, acteur et compagnon qui nous a quittés en mai 2020, après la première partie, et les amis de Kinshasa, entravés dans leur droit de circuler. Donc avec des personnes pour doubler les absents."
Processus long
"Laboratoire est un mot qui nous aide à justifier la nécessité du processus long", sourit notre interlocutrice : recherche, approfondissement, étapes scéniques, mûrissement mouvant caractérisent son théâtre. Documentaire ? "J'essaie de faire un spectacle qui permette à ceux et celles qui y participent de répondre aux questions sur un sujet donné, mais aussi sur ce que le théâtre lui-même pourrait tenter pour donner prise sur ce sujet."

Les questions qui la traversent ici sont "l'effacement ; l'histoire en tant que vérification des faits, récit du passé ; le décalage entre le savoir et cet océan qui s'appelle la mémoire, ce fatras de souvenirs, de récits hérités, de préjugés". Sans oublier "l'autre fatras que trimballe le théâtre en soi. Cette culture quand même particulière : être assis, en rangs organisés, regarder du même côté, en silence, des gens qui parlent trop fort – où dans un micro relié par un fil à un boîtier dans leur dos…"
Le théâtre, dont Adeline Rosenstein questionne sans relâche les modalités, est certes "la promesse d'une pensée partagée collectivement, avec un public", mais aussi, "quand on parle de colonisation, le fer de lance de la propagande militaire pour ses opérations dites de pacification".
Résistance et trahison
Dans ce nouveau chantier de déconstruction et d'exploration, la créatrice et ses complices scrutent à travers l'histoire – de 1943 au début des années 1970 – le glissement de la résistance à la trahison. "J'appelle Poison ce goutte-à-goutte des petits arrangements, ces compromis faits par "intelligence", qui ont un effet retard délétère. Où on se retrouve un beau jour dans le camp ennemi. Grâce à des documents historiques, on a reconstitué la glissade fatale de résistants qui deviennent collabos." Un phénomène observé ensuite au moment des "mouvements de libération des pays d'Afrique sous le joug colonial".
- Bruxelles, Halles de Schaerbeek, du 13 au 15 octobre – 02.218.21.07 – www.halles.be