Patrick Chaboud : "Des salles à moitié pleines, je n’avais jamais connu ça !"
En mode survie, le Magic Land Théâtre crée, malgré tout, “La Fontaine des miséreux”.
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- Publié le 09-11-2021 à 13h27
- Mis à jour le 09-11-2021 à 13h28
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"Jamais. Jamais, je n'avais connu ça !, s'exclame Patrick Chaboud, directeur du théâtre Le Magic Land. Nous venons de terminer une courte série de Requiem pour un gigolo et la salle était pleine à moitié. Quand elle était remplie aux trois quarts, c'était le grand succès". Artiste de rue, comédien, auteur, metteur en scène, scénariste et sculpteur, voici plus de 40 ans qu'il roule sa bosse dans le monde du théâtre. Et Dieu sait si ce baroudeur en a vu des vertes et des pas mûres !
Privé de contrat-programme depuis 2018, le Magic Land est sur la corde raide, mais il est toujours parvenu, tant bien que mal, à garder la tête hors de l'eau, notamment grâce au soutien du public. "D'habitude, nous devons refuser du monde. La billetterie est notre seule façon de survivre. Mais, si, tout à coup, le public n'est plus là, on est mal." Peur de revenir au théâtre, conditions sanitaires multiples et changeantes (port du masque, distanciation physique, Covid Safe Ticket…), perte de l'"habitude" de re-sortir de chez soi pour assister à un spectacle…, diverses raisons peuvent expliquer pourquoi les spectateurs ne reviennent pas en nombre dans les salles de théâtre. Patrick Chaboud ne cache pas son inquiétude : "Requiem pour un gigolo a très bien fonctionné, mais la salle n'était pas pleine. Donc, nous sommes en déficit. Il fallait s'y attendre. Mais, nous n'avons plus non plus de rentrées pour le théâtre et couvrir les frais de fonctionnement. On va maintenant enchaîner sur le spectacle suivant, La Fontaine des miséreux, mais les prévisions en termes de fréquentation ne sont pas fabuleuses : on ne va pas pouvoir tenir comme ça éternellement".
“Un geste politique”
Le Magic Land a bien été un peu soutenu au cœur de la tempête du Covid par la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), et, récemment, le gouvernement a débloqué "une aide exceptionnelle" de 1,4 million d'euros à destination de 198 opérateurs culturels non-subventionnés, mais "les formulaires (pour activer cette aide, NdlR) ne sont pas encore arrivés", déplore le directeur du Magic Land, qui demande, aujourd'hui, à la ministre de la Culture Bénédicte Linard (Ecolo) "un geste politique" afin d'aider son théâtre à tenir jusqu'au bout de la saison.
Malgré ces difficultés, Patrick Chaboud garde son entrain et tient à rester optimiste. Il vient ainsi de boucler l'écriture et la mise en scène d'une nouvelle création, La Fontaine des miséreux, co-produite avec la compagnie Vivre en fol, "qui est à peu près aussi fortunée et cinglée que nous", ironise-t-il en riant. "Comme le Magic Land, ils proposent un théâtre très populaire, se réjouit-il. Ils font des spectacles tout public, jeune public, ont un chapiteau, font des animations en rue, etc. Ce sont des jeunes, c'est la relève du 'On n'attend pas qu'on nous nourrisse, qu'on nous aide. On y va !' Donc, la rencontre était facile". On retrouve ainsi à l'affiche des fidèles du Magic Land comme Marc De Roy, Juan Marquez Garcia ou Stefania Greco ainsi que des comédiens de la Vivre en fol cie tels que Manon Romain, Barnabé Dekeyser…
Costumes d’époque
Cette nouvelle pièce, Patrick Chaboud l'a imaginée comme "une comédie mélo-dramatique", naviguant entre les univers d'Émile Zola et Victor Hugo. L'histoire ? Un homme pauvre est condamné à mort. Un riche bourgeois recherche sa fille, qui a été adoptée toute petite. "Même s'il y a des morts et du sang, l'histoire est traitée avec ma patte, souligne le directeur du Magic Land. Donc, on rit, on pleure, Mais on rit surtout. On est un peu dans la veine du Grand Guignol (théâtre d'épouvante qui met en scène des situations macabres, exagérées, NdlR)".
Alors que de moins en moins de pièces de théâtre se jouent en costumes d'époque – par souci de contemporanéité et/ou d'économies, souvent –, Patrick Chaboud affectionne tout particulièrement d'ancrer ses récits, personnages et décors dans une époque donnée (La botte du Diable, Don Giovanni, Visa pour Pékin, La légende du King Arthur, Le manoir de Silver Lake…). "Même moi, je souffre de devoir m'habiller de manière contemporaine, rit-il. Je suis d'un autre temps, au sens de l'époque". Mais, surtout, "pour un public populaire comme celui du Magic Land, cela a un impact, estime-t-il. Les spectateurs entrent dans un univers, où il y a des costumes, des décors. Pour une pièce comme La Fontaine des miséreux, on ne peut pas être dans un deux pièces-cuisine à Charleroi. Ce n'est pas possible. Je ne l'imagine pas autrement" qu'en costumes et décors du XIXe siècle.
"J'ai la chance d'écrire mes pièces, donc je peux faire ce que je veux, reconnaît-il. J'en écris trois à quatre par an, ce qui est beaucoup. J'écris, je teste. Chaque soir, au Magic Land, je change des choses : j'ai le laboratoire mais j'ai aussi les gens qui testent les éprouvettes. Donc, à la fin d'une série, j'ai un spectacle dans lequel il n'y a quasi plus de scories. C'est une grande liberté. C'est fabuleux".
--> Bruxelles, Magic Land Théâtre, du 11 au 20 novembre. Infos et rés. au 02.245.50.64 – www.magicland-theatre.com