Féminicides en objets majeurs
Plus noire que jamais, Agnès Limbos revisite le fait divers. Clinique.
Publié le 03-12-2021 à 06h55 - Mis à jour le 03-12-2021 à 10h45
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Cette fois, on ne rit plus, ou alors jaune, à l'humour noir d'Agnès Limbos. Jamais la grande dame du théâtre d'objet, tragiquement clownesque, n'avait semblé aussi grave et jamais ces objets qu'elle manipule et qui, grâce à elle, existent à peine posés sur table, n'ont revêtu une telle dimension dramatique. Laquelle grandira encore lorsque glisseront sur scène sept fillettes silencieuses aux cheveux lissés, guidées par Pierre Sartenaer, compagnon de jeu et d'écriture, pour une procession funéraire lors de tableaux énigmatiques qui confèrent à l'ensemble une atmosphère de polar nordique. Il s'agit bien d'enquête décalée, de meurtres, de féminicides, mais aussi de quête d'identité, dans Il n'y a rien dans ma vie qui montre que je suis moche intérieurement.
Bouille désabusée à côté d’une réplique miniature de machine à laver troublante de réalisme, Agnès Limbos, cultivant son amour de l’absurde, déconstruit, une heure vingt durant, les attentes des femmes de tous âges, chastes ou nymphomanes, unes ou multiples…
Couchée à même le sol, "on the kitchen floor", vêtue d'une veste de fourrure et d'une seule chaussure, symbole de féminité, une de ces femmes se relève, interroge l'assemblée pour savoir si quelqu'un la connaît.
Enquête en voix off
Une voix off, émise depuis le magnétophone, pose les jalons de l’enquête, en anglais, cette langue de Shakespeare que l’artiste aime châtier, et livre une description détaillée de l’état de putréfaction, entre autres, du corps gisant.
Premier féminicide d’une longue série au fil des récits cliniques, parfois arrosés d’hémoglobine, alignés dans une certaine complexité, avec une distance accrue par une position décentrée. Sur un coin de la scène, assise à la table de cuisine devenue réduction du plateau de théâtre, l’interprète, autrice et metteuse en scène raconte le quotidien.
Violée, étranglée, noyée

En blouse bleu roi fatiguée, elle sort de ses tiroirs secrets trois baignoires jouets. La plus scintillante aura ses faveurs à l’image de la robe de bal qu’elle préférera à celle de Blanche-Neige.
Poser sa veste en fourrure sur son dossier, tenir une sacoche en main, se mettre du rouge à lèvres… D’un simple geste, Agnès Limbos incarne un personnage, trahit sa tendresse pour "les bonnes femmes".
Humanité aussi envers celle qui avoue son adoration pour le sexe au point de marcher entourée d’un halo de phéromones. Sourire avant les larmes…
Car la nouvelle création de la compagnie Gare centrale décline avant tout, avec une lenteur assumée, une succession de destinées tragiques d’amoureuses éperdues qui finiront étranglées, noyées, violées ou étouffées. Seul le prince…
Bruxelles, Varia, jusqu’au 4 décembre. Durée : 1 h 20. Dès 14 ans. Rés. : 02.640.35.50 - www.varia.be