“Délivre-nous du mal”, la comédie ecclésiastique déjantée, fait son retour
La joyeuse troupe emmenée par Dominique Bréda revient sur scène pour fêter les dix ans de la création et la 100e représentation.
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- Publié le 08-02-2022 à 15h16
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Lundi dernier, à la veille de la première répétition du spectacle Délivre-nous du mal, la metteuse en scène Catherine Decrolier ne cachait pas son "excitation" à l'idée de retrouver la joyeuse bande de comédiens qui incarnent cette comédie désopilante créée il y a dix ans par Dominique Bréda à L'Os à Moëlle. "C'était une volonté commune de reprendre ce spectacle, qui a été un gros succès, explique Catherine Decrolier. Et je pense qu'en cette période, ça fait du bien au moral de rire". Puis, la crise du Covid ayant été extrêmement dommageable pour nombre d'artistes qui ont vu beaucoup de leurs spectacles reportés et/ou annulés, "pas mal de comédiens de l'équipe avaient besoin d'un projet 'facile' à mettre en place parce que déjà créé, déjà répété, avec un accueil favorable et sans trop de prise de risque".
Plébiscité par le public depuis 2012 – le spectacle a tourné pendant cinq saisons à raison de plus de 80 représentations – Délivre-nous du mal a pour cadre une église en pleine crise de foi, dont les fidèles serviteurs cherchent, par des moyens bien à eux, à réintéresser leurs ouailles à la chose divine. On retrouve ainsi un prêtre (Jean-François Breuer) en mal de dialogue avec Dieu qui dit la messe dans une église désertée ; un jeune sacristain (Xavier Elsen) un peu niais qui entame une grève de la faim, mais mange quand même des Twix pour ne pas défaillir ; une belle et sage organiste (Amélie Saye) qui se lâche parfois sur des musiques profanes ; une bonne sœur pleine d'énergie (Julie Duroisin) ne ménageant pas sa peine pour "le business de la philosophie chrétienne" ; et une vieille sœur polonaise non francophone (Françoise Villiers) dont personne ne veut prononcer le nom.
Des personnages “touchants et drôles”
Dix ans plus tard, le spectacle garde tout son sens et sa raison d'être. "En ce qui concerne la religion, le catholicisme, rien n'a vraiment bougé aujourd'hui, observe la metteuse en scène. Cette petite communauté fait face à une hiérarchie très peu ouverte par rapport à des phénomènes de société tels que l'homosexualité ou le mariage des prêtres. Et l'autre crise qu'ils traversent, c'est que les fidèles désertent leur église". Au-delà, "ce qui m'importe dans ce spectacle, le fond de ce spectacle, c'est la bienveillance de ce petit groupe, ajoute-t-elle. Malgré les épreuves qu'ils ont à traverser, ils s'aiment et se soutiennent les uns les autres. C'est vraiment là-dessus que nous avons travaillé. C'est ce qui les rend touchants et drôles. Ce sont des bras cassés, mais ils sont très attachants".
Si le spectacle a tant séduit et continue d'attirer les spectateurs, c'est également en raison de "la force de l'écriture" de Dominique Bréda, estime la metteuse en scène. "Il a le sens de la réplique, mais ce qui est drôle chez lui, c'est qu'il arrive à créer des décalages très surprenants." Exemple ? Le personnage de Sœur Agnès (Julie Duroisin). "On attend d'une sœur qu'elle soit bienveillante, à l'écoute. Mais le personnage de Julie est à l'antipode de ça, décrit Catherine Decrolier. C'est-à-dire qu'elle pourrait être marraine dans la mafia : elle a un langage cru, franc ; elle n'hésite pas à utiliser la menace pour faire venir les gens dans son église. Ces décalages sont extrêmement drôles". Piquant et cocasse, Délivre-nous du mal ne contient "rien de méchant" envers l'Église, souligne-t-elle par ailleurs. "L'histoire pourrait très bien se passer dans une communauté juive ou autre. C'est juste que nous avons ces codes-là parce que nous venons de tradition plutôt catholique. Et donc, nous jouons avec ces codes. Mais il n'y a pas de moquerie, sauf à l'encontre des petits pouvoirs, de cette hiérarchie conservatrice."
Insuffler “une part de fraîcheur”
Avec une distribution identique en 2012 et en 2022, Catherine Decrolier se félicite de retrouver les mêmes comédiens et de repartir en tournée. "Il n'y a pas de secret : c'est quand l'équipe est en confiance et détendue qu'elle peut faire rire le public. Et ici, je pense que la part de détente, c'est déjà gagné, et la confiance aussi, sourit-elle. Donc, les comédiens ne peuvent qu'être drôles. Puis, ils vont jouer leur 100e représentation (du 1er au 6 mars à la Chapelle de Boondael, NdlR) : c'est inscrit dans leur corps normalement". Tout le défi réside néanmoins dans la faculté à insuffler "une part de fraîcheur" afin de "ne pas retomber dans les mêmes mécanismes". "En dix ans, les comédiens ont changé, ils ont pris de l'expérience. C'est sûr qu'ils vont amener d'autres choses dans leur jeu et que, peut-être, le texte résonnera d'une autre manière…"
--> En tournée (Bruxelles (L’Os à Moëlle et la Chapelle de Boondael), Charleroi (La Ruche Théâtre), Andenne (Centre culturel), Hannut (Centre culturel), Dison (Le Tremplin)), du 11 février au 6 mars. Infos et rés. sur www.livediffusion.com