Dandin dé-monté par la Clinic Orgasm Society
L’année anniversaire de Jean-Baptiste Poquelin s’émaille de mises en scène diverses. Au Varia avant Mons, “George de Molière” rue dans les brancards.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/56207dc1-4449-4789-b3e7-11e31d796eb5.png)
- Publié le 27-04-2022 à 22h14
- Mis à jour le 28-04-2022 à 12h17
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/F45L7ALAIZENTJFJ2CPP3F6BHE.jpg)
On a beau tenir pour inoxydable le théâtre de Molière (né Jean-Baptiste Poquelin, baptisé le 15 janvier 1622 à Paris, comédien et dramaturge qui décédera après quatre représentations du Malade imaginaire, le 17 février 1673), qui aurait parié sur l'absence de rouille de George Dandin ou le mari confondu ?
Roturier fortuné, Dandin mise sur son mariage avec une noble héritière pour s’élever socialement. La nouvelle d’une infidélité va tordre davantage encore le lien boiteux de George et d’Angélique. Humiliations et disparités enflent au fil de l’intrigue, que Molière imbrique dans une Pastorale chantée et dansée, le tout inclus dans le "grand divertissement royal de Versailles" en 1668.
Mi-amer mi-pailleté, du grain à moudre
En choisissant pour la première fois un texte du répertoire, Ludovic Barth et Mathylde Demarez donnent à leur Clinic Orgasm Society du grain à moudre – mi-amer mi-pailleté, on le verra.
De cette comédie-ballet, pour peu qu'on ait pu la croire confite dans son siècle, la compagnie met en relief la satire et les grincements sous-jacents : "Nous voulons faire de ce George un spectacle à la fois furieusement drôle, tout en laissant affleurer sa part sombre et sauvage…" Une sauvagerie domestiquée – en témoigne le troupeau de moutons qui signe le caractère pastoral de la pièce – mais bouillonnante sous le vernis des convenances.

Au départ d'un classique comme ici ou de pures créations comme dans le reste de son parcours, la Clinic Orgasm Society observe sans relâche les normes, les conventions, les constructions culturelles, les mécanismes de domination. George de Molière entre dans ce schéma, avec fracas (au sens propre, une tonitruante sarabande menant le public vers la salle) et suffisamment de finesse pour nous rendre digeste la caricature – non le but mais le moyen.
Pavé d'outrance et d'irrévérence, ce chemin-là serpente dans l'œuvre d'origine, décoiffée, débridée, non sans précision. Disséquée avec pour lame un sens aigu de l'observation sociale. Que viennent appuyer tous les éléments scéniques : la scénographie de Zouzou Leyens, les costumes et perruques de Nina Lopez Le Galliard et Odile Dubucq, la musique originale de Gregory Duret, qu'il interprète en direct avec Frédéric Becker et Catherine De Biasio. Plus qu'une simple fantaisie, la chorégraphie de Clément Thirion enlumine l'ensemble, le ponctue, y creuse de cocasses sillons. Le comédien campe par ailleurs avec Olivia Stainier l'irrésistible, effroyable et hilarant couple de Sottenville, les parents d'Angélique (Raphaëlle Corbisier).

En Dandin ballotté entre ses propres manigances et la manipulation dont il fait l’objet, Yoann Blanc assume un côté clownesque qu’il nuance avec retenue. Adrien Desbons, Gregory Duret, Thymios Fountas et Eline Schumacher – flamboyante – complètent la distribution. Sans oublier la cohorte des moutons, pour laquelle le duo de la mise en scène, assisté d’Hugo Favier, fait appel à des étudiants et étudiantes d’écoles d’art.
Désuétude et actualité assumées
En signant son propre "grand divertissement royal", avec force détails kitsch et audaces grand-guignolesques, la compagnie a le bon goût de ne pas davantage masquer la désuétude de la pièce qu’elle ne surligne en quoi elle s’adresse encore au public actuel. Ayant joyeusement bousculé les genres et mêlé les esthétiques, le spectacle résonne ainsi comme une célébration de cette si sensible et si enthousiasmante matière première : le théâtre.
- Bruxelles, Varia, jusqu'au 30 avril – 02.640.35.50 – www.varia.be
- Ensuite à Mons, Manège, du 3 au 5 mai – 065.33.55.80 – www.surmars.be