“Animans”, quand l’être humain recherche son animalité
La compagnie Caminante et ses trois danseurs explorent les comportements qui nous lient au monde animal.
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Publié le 24-05-2022 à 17h41 - Mis à jour le 25-05-2022 à 18h09
La compagnie Caminante, c'est d'abord une rencontre artistique doublée d'une amitié née dans les studios de danse contemporaine du Real Conservatorio Profesional de Danza "Mariemma" puis de la compagnie Larreal à Madrid. Leur formation achevée, Nicola Vacca, Ana Paula Gusmao et María Montero reprennent des chemins professionnels différents jusqu'à ce que cette dernière les appelle pour la rejoindre sur la création d'une pièce chorégraphique, Men's Day. "J'ai lancé la compagnie Caminante après mes études à Madrid puis j'ai déménagé à Bruxelles, raconte María Montero. C'est là que j'ai contacté Nicola et Ana Paula, qui habitaient à Paris, pour venir travailler avec moi sur un projet que j'avais commencé. C'était en 2016. À ce moment, la compagnie a vraiment émergé en tant que telle". "Pendant notre formation, nous avions déjà cette affinité entre nous et nous l'avions expérimentée sur des mini-pièces à créer, enchaîne Nicola. Et sur Men's Day, on a pu tester nos envies, nos délires, nos désirs et ça a été vraiment organique. Tout a commencé de là, mais, à l'époque, nous n'étions même pas conscients que nous co-dirigions une compagnie : nous voulions juste faire aboutir un projet".
Si María a décidé de poser ses valises à Bruxelles, c'est, au départ, avec l'envie de travailler dans différentes compagnies, car, "avec Peeping Tom, Rosas…, Bruxelles est la Mecque de la danse contemporaine", s'enthousiasme-t-elle, "mais, au fur et à mesure, je me suis rendu compte que c'est la création qui m'intéressait profondément et c'est comme ça que j'ai appelé Nicola et Ana Paula". "María était vraiment la chorégraphe de Men's Day, Ana Paula y figurait comme interprète et moi, j'étais assistant chorégraphe, précise Nicola. Notre compagnie est basée sur un travail collectif, avec des échanges d'avis, des tables rondes, etc. C'est également comme cela que nous avons procédé pour notre nouveau spectacle, Animans". À la différence que "c'est la première fois que nous en sommes les trois co-chorégraphes et les trois danseurs principaux", relève Ana Paula.
“Regarde ! Lui, il ressemble un peu à un suricate”
Cette nouvelle création trouve son origine "dans notre envie de travailler ensemble et de nous découvrir dans une chorégraphie", reprend Nicola. "Au-delà, nous souhaitions questionner l'être humain par rapport à l'animal, ajoute María. C'est une très vaste question, mais pour laquelle nous ne voulions pas trouver de réponses. Nous voulions juste questionner la différence entre l'humain et l'animal et l'aborder dans notre physicalité". La raison ? "Nous avions pas mal de questionnements sur nos propres comportements et ceux d'autrui", avance Nicola. "Parfois, c'était même un peu naïf, complète María. On voyait quelqu'un et on se disait : 'Regarde ! Lui, il ressemble un peu à suricate'. C'est donc parti comme un jeu : on jouait avec quel animal on était ou quel animal on pouvait s'approprier. Mais de ce jeu de transformation physique et psychologique sont sorties des choses très sombres auxquelles on ne s'attendait pas". "Oui, abonde Nicola, du ludique, nous sommes passés à l'exploration de la construction de relations entre des figures (elles sont quatre : María, Nicola, Ana Paula et une figurante, NdlR) qui sont des métaphores de l'humain animal et qui nous ont aussi permis d'explorer des questions davantage liées au comportement humain en général, à la société".
Sur scène, chaque créature a son propre langage corporel, sa propre logique. "Il y a un conflit de forces entre ces trois figures et leur langage, détaille Nicola. On a beaucoup travaillé sur l'imbrication possible ou impossible entre ces personnages, ce qui donne une violence ou une douceur à la chorégraphie". Dans un décor d'ombre et de lumière, le temps s'écoule. Chaque figure erre, se cherche. Est-ce ici ou ailleurs ? Nul ne sait. Le rythme musical est vif, nerveux. "Nous voulions travailler sur l'idée de la boucle, l'enfermement, poursuit le chorégraphe, car il y a une forme de cyclicité dans le spectacle. Pour cela, nous avons opté pour de la musique techno, car elle se construit par la répétition, ce qui nous a été très utile pour trouver des états physiques, d'énergie différents".
Du pain comme décor
Quant au décor, choix a été fait de le construire autour d'un aliment de base : le pain, qui jonche l'ensemble du plateau. "Nous avons cherché des actions communes entre l'homme et l'animal comme manger ou dormir, rapporte encore Nicola. Nous nous sommes ensuite centrés sur l'idée de manger et, à partir de là, on a décidé de prendre le pain qui, par excellence, représente le fait de se nourrir, de survivre". Et María de développer : "Tout au long de cette journée, il y a quelque chose qui change en chacun de nous. Il y a une décadence de notre état. Et le pain représente différentes temporalités, le présent, le passé, le futur : il y a le pain frais, le pain sec, le pain qui s'émiette, le pain dur… Et la question est 'Que se passe-t-il la journée d'après parce que cette transformation continue… ?'".
--> Bruxelles, Les Riches-Claires, du 28 au 30 mai. Infos et rés. au 02.548.25.80 ou sur https://lesrichesclaires.be
--> Plus d'info sur la compagnie surwww.compagniecaminante.com