"Hedda" ou les visages du féminin pluriel
Inspirée d’Ibsen, la pièce d’Aurore Fattier, Sébastien Monfè et Mira Goldwicht réussit une brillante mise en abyme.
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- Publié le 20-09-2022 à 12h24
- Mis à jour le 06-10-2022 à 08h51
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C’est l’une des créations les plus attendues de ce début de saison, par son ampleur, son ambition, la conjonction des moyens mobilisés. Une "Variation contemporaine d’après l’Hedda Gabler d’Ibsen" éclose dimanche au Théâtre de Liège, avant de se poser sur d’autres scènes belges et françaises.
La taille du plateau et l’équipement du théâtre comptent pour cette forme hors normes, avec son décor coulissant, son grand écran, ses coulisses et sa scène cachées mais filmées. Car le cinéma s’invite ici.
Hedda met en abyme la pièce qui valut au très respecté dramaturge norvégien Henrik Ibsen des critiques pour le moins déconcertées à sa création, en 1891. Drame en quatre actes, Hedda Gabler en effet bouscule les conventions et met à l'avant-plan une femme dont les actions et convictions – face à son mari, son ancien amant et un ami de la famille – questionnent les rôles genrés.
Trois jours et une nuit blanche au cœur d'une création théâtrale qu'on touche de près grâce au cinéma
En se gardant bien de surligner l’actualité de ce propos, Aurore Fattier (conception, mise en scène, direction), Sébastien Monfè et Mira Goldwicht (texte, dramaturgie) nous plongent dans la tension des derniers jours de répétition. La metteuse en scène Laure Stijn est hantée par la disparition dix ans plus tôt de sa jeune sœur Esther, dont elle élève la fille et dont le visage vient se greffer sur les traits d’Hedda.
Si cette superposition sous-tend le spectacle jusqu’à se matérialiser, elle ne l’étouffe jamais, laissant se déployer en parallèle – avec cependant des intersections – l’intrigue composée par Ibsen et les liens entre ses interprètes, chaque acteur et actrice composant ici avec la partition feuilletée du théâtre dans le théâtre.

Il fallait pour cela une distribution aussi précise que puissante : celle-ci trouve son chemin tant sur le plateau (dans la scénographie de Marc Lainé) qu’à l’écran (devant la caméra de Vincent Pinckaers). Autour de Maud Wyler, campant une metteuse en scène pétrie de questionnements sur le sens à donner à son travail et à celui de son équipe, étincellent Yoann Blanc, Valentine Gérard, Delphine Bibet, Annah Schaeffer, Fabien Magry, Alexandre Trocki, Carlo Brandt, Fabrice Adde et, en alternance, Lara Ceulemans et Deborah Marchal, dans le rôle de l’assistante à la mise en scène – fonction que les deux jeunes comédiennes assument également auprès d’Aurore Fattier.
Les costumes de Prunelle Rulens, les lumières d’Enrico Bagnoli et la création musicale de Maxence Vandevelde entrent dans la composition de cette alchimie : où l’alliage d’une dramaturgie complexe et d’une machinerie imposante aboutit à un objet étonnamment sobre, lisible, digeste, sans pour autant diluer les aspérités qui le constituent et qui font sa force.
- Liège, Théâtre (salle de la Grande Main), jusqu'au 28 septembre – 04.342.00.00 – www.theatredeliege.be
- Ensuite du 5 au 8 octobre à Bruxelles (www.theatrenational.be), du 12 au 14 octobre à Namur (www.theatredenamur.be), les 28 et 29 juin à Mons (www.surmars.be), et dans l'intervalle à Toulouse, Valence, Paris.