La marionnette reprend le “Pouvoir”
Et questionne notre système démocratique par la voix d’Une tribu collectif qui n’a pas choisi son nom au hasard.
Publié le 26-01-2023 à 12h48 - Mis à jour le 26-01-2023 à 12h49
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”Ouf ! J’ai eu peur quand j’ai vu que c’était avec une marionnette ! Mais la prof m’a dit qu’en fait, c’était pas pour les enfants.” Phrase volée à une jeune fille dans les couloirs du théâtre de La Balsamine en amont de Pouvoir, nouvelle création d’Une tribu collectif. Preuve que la réputation du genre reste à faire… Mais plus auprès des spectateurs présents cet après-midi-là.
Littéralement scotchés durant toute la représentation, les ados ont suivi au plus près la révolte de la marionnette d’Une tribu collectif, se sont attachés à elle et se sont laissé emporter par cette remise en question du pouvoir.
Sur un plateau quasi nu, table de bois truquée surélevée et polyvalente, le roi, couronne de travers sur la tête, déclame son texte avec emphase. Puis, soudain, s’interrompt, en pleine représentation. Panique du côté de la régie et des comédiens. Que se passe-t-il ? La marionnette, tête nue, toute de bois et de tissu conçue, ne veut plus interpréter le rôle qui lui est imposé. Elle en a assez d’être manipulée et désire reprendre son destin en mains. Air connu, certes mais toujours d’actualité. Et d’autant plus intéressant qu’Une tribu collectif pousse la réflexion plus loin et propose une mise en abyme de la question. Puisque non seulement la marionnette, métaphore idéale de la manipulation, veut reprendre le pouvoir mais en outre, les comédiens, concepteurs et metteurs en scène, Cécile Maidon, Noémie Vincart et Michel Villée, tous aussi vifs qu’habiles, se demandent, le premier moment de stupéfaction passé, comment le lui octroyer. La compagnie ne s’appelle pas Une tribu collectif pour rien. Il ne s’agit pas pour elle uniquement de monter des créations tous ensemble, sans hiérarchie, mais aussi de se positionner en temps que citoyens. L’idée de leur nouveau spectacle est née entre autres suite aux nombreuses marches des jeunes pour le climat.
Les limites du vote
La première solution qui se profile est celle du vote, l’un des outils de la démocratie représentative de type élective, efficace malgré des limites qui s’imposent rapidement. Et que l’actualité internationale, du Brésil aux États-Unis, ne cesse de nous rappeler. Notre système est-il le meilleur possible ?, interroge le collectif.
Peu à peu, le pouvoir bascule à plusieurs niveaux, revient entre les mains de la marionnette, mais change aussi du côté de manipulateurs. Ce ne sera plus l’homme, l’aîné de la compagnie, qui prendra la tête.
Enfin libre de ses propos, la marionnette s’invente plusieurs histoires et devient tour à tour, dans une scénographie évolutive de Valentin Périlleux, d’une efficace sobriété, patron exubérant, allongé négligemment sur son bureau, caricature d’Elon Musk parti explorer l’espace ou électron libre prêt à faire le grand plongeon.
Elle interpellera aussi le public, viendra s’asseoir sur ses genoux, prendre surtout corps et vie au fil de la représentation.
Toujours prête à se réinventer, Une tribu collectif dépose à nouveau sur les planches une proposition radicalement différente des précédentes, d’une belle intelligence malgré quelques faiblesses sur le fil narratif. Comme si le personnage principal ne tenait pas tout à fait ses promesses et ne parvenait pas réellement à nous raconter une histoire. Notre seul bémol.
Bruxelles, Pouvoir, jusqu’au 28 janvier à La Balsamine, av Félix Marchal 1. Infos : www.balsamine.be ou 32 (0) 2 735 64 68. Au Festival de Liège, les 6 et 8 février. À La montagne magique, les 1 et 3 avril. Dès 14 ans.