“Vanishing Act”: où Thierry Smits disparaît pour mieux se dévoiler
Le chorégraphe ose un solo intime, grave et joyeux pour ses 60 ans.
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Publié le 03-02-2023 à 18h09 - Mis à jour le 05-02-2023 à 10h21
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Ceci n’est pas une rétrospective. Le solo-anniversaire imaginé par Thierry Smits ne propose pas de citation évidente ni même de best of de la quarantaine de pièces créées depuis ses débuts de chorégraphe. Pour autant, on retrouve dans Vanishing Act naturellement le style, les obsessions et l’esthétique qui font la signature de l’artiste né en 1963 dans le Limbourg.
Ceci n’est pas, non plus, une biographie. Plutôt une suite de tableaux en mouvements et en mots où le danseur – ici aussi acteur, performeur, chanteur – se dévoile. Donnant la pleine mesure de son outil de travail, ce corps forgé par la danse, l’exercice, les expériences de la vie, l’âge aussi (”J’ai mal. Aux chevilles, aux genoux, entre les omoplates. J’ai mal au poignet, parfois à la nuque… J’ai mal partout. C’est normal, depuis une semaine j’ai 60 ans”), il révèle des bribes de son parcours, entre confidence, fiction et métaphore.

À commencer par le ballet L’Oiseau de feu, ce Vuurvogel et ses danseurs “très dénudés” découvert sur la télévision des voisins, “il y a 52 ans”, par un petit garçon en qui germe l’envie de danser. Le Thierry d’aujourd’hui revêt alors un costume frangé à l’ample envergure, et arpente le plateau avec l’espièglerie de ses 8 ans, tout à la joie du mouvement, du corps et des matières qui bougent, de l’ivresse de l’instant.
Vous ne savez pas tout ce que je ne vous dis pas. Tout ce qui est grave, triste, affreux.
”Depuis, la danse me poursuit”, déclare le performeur avant d’enchaîner. Les étapes se suivent. Paris, les cours de danse, Pigalle, la vie dure et chère. En une chanson se déploie l’ambigu parallèle art maker/sex worker. “Il y a du vrai”, glisse Thierry Smits dont l’œuvre a toujours tutoyé le trouble et qui, ici, continue de s’amuser à pulvériser fausses pudeurs et tenaces tabous.
Fragmenté et ludique, ce Vanishing Act a des allures de parc d’attractions (pour public averti), voire de comédie. Et pourtant… “Vous ne savez pas tout ce que je ne vous dis pas. Tout ce qui est grave, triste, affreux. La dépression, la douleur, la misère…” Les peines et les pertes. La litanie des deuils qui défilent comme coule le sable.
À mesure qu’on y pénètre, la pièce révèle ses méandres plus sombres, sans jamais renoncer à la légèreté dont Thierry Smits faufile sa dramaturgie. Assisté de Lucius Romeo-Fromm pour la chorégraphie, d’Antoine Pickels pour les textes et de Julie Bougard comme œil extérieur, le danseur évolue dans “son” studio Thor, parmi une série d’accessoires tous recyclés, sous les lumières de Ralf Nonn, dans le paysage sonore de Jean-François Lejeune, à travers les costumes de Stefania Assandri, avec la captivante création vidéo de Jacques André sur un écran vertical et mobile.
Ici odalisque aux muscles bandés, là derviche tourneur, ailleurs rameur nostalgique s’enfonçant dans la brume, Thierry Smits réussit son “acte de disparition” en s’affirmant plus présent et vivant que jamais.
- Vanishing Act, jusqu’au 4 février au Studio Thor, Bruxelles – 02.223.26.00 – www.thor.be