“On plonge les mains dedans. On vient voir, mais participer aussi”
La poétesse et slameuse Joëlle Sambi dégaine ses mots et ceux des artistes qu’elle programme pour le second week-end des MàD: queer, engagement, urgence.
Publié le 02-03-2023 à 18h37 - Mis à jour le 03-03-2023 à 14h55
Romancière, nouvelliste, poétesse, chroniqueuse, Caroline Lamarche est une écrivaine engagée de longue date, notamment dans le combat environnemental. “Tout est politique”, affirme-t-elle. “Et la biodiversité traverse mes textes depuis trente ans.” Ce sont d’ailleurs les ZAD, les Zones à Défendre dont elle est si proche, qui ont inspiré à l’autrice associée au National l’appellation des MàD, pour Mots à Défendre.
“Le texte, les mots, en Fédération Wallonie-Bruxelles, on ne les dit pas assez, on les entend trop peu.” Ce nouveau festival est né pour cela: donner à voir, entendre, lire, sentir. Donner à penser et à palper la manière dont les mots agissent au cœur de nos vies, dans notre environnement, sur nos corps.
“Pour cette première édition, il y a une espèce de cohérence organique qui m’a surprise. C’est très neuf, un peu flippant, mais la confiance qu’on nous a donnée nous a permis d’amener des propositions fortes, qui se sont articulées entre elles quasiment d’elles-mêmes.” Et ensuite? les MàD devraient se pérenniser, à un rythme biennal. “J’ai déjà plein d’idées pour la suivante”, glisse Caroline Lamarche.
Je travaille toujours non avec un programme ou un scénario, mais avec une vision. C’est comme ça que j’écris aussi, comme à partir d’un rêve.
Soucieuse de la triangulation texte-voix-public, l’écrivaine a misé sur L’Encyclopédie de la parole. Dans Suite n°4, Joris Lacoste et ses comparses – dont ici l’ensemble Ictus – articulent théâtre et concert, voix enregistrées et musique instrumentale. Le vendredi 10.
Souvenir et devenir, voilà l’axe qui pourrait définir les propositions du samedi 11, avec Et le Congo créa la littérature, de Jean Bofane, puis Les Cartographies de l’avenir par deux actrices, un poète et un philosophe. Car il s’agit bien sûr, obstinément, d’observer et de questionner le monde. Comme le fait le comédien Gaëtan Lejeune pour la relation humain-animal dans Frou-Frou (tiré du recueil Nous sommes à la lisière qui valut à l’autrice belge le Goncourt de la nouvelle 2019). Comme aussi l’élaborent Dominique Roodthooft et le Corridor dans Patua Nou, déambulation chantée-parlée-dessinée pour évoquer les chemins de l’exil.
Questionner c’est aussi confronter les pratiques, les regards, les temporalités. Avec une performance radio live autour de l’œuvre de la poétesse et astronome Rebecca Elson. Ou dans le “rituel de commémoration” que sont Les Voix de l’eau. Caroline Lamarche et David Van Reybrouck s'y lancent dans une lecture dialoguée de leurs recherches et réalisations respectives suite aux dévastatrices inondations de juillet 2021. À noter l’installation en continu, en parallèle, du diaporama sonore Toujours l’eau – Juillet 2021, fruit de l’immersion de Caroline Lamarche avec la photographe Françoise Deprez durant dix mois dans les vallées de l’Ourthe et de la Vesdre.
Le mélange des genres, c’est aussi la spécialité de Peggy Lee Cooper qui, accompagnée de son acolyte Grand Malade, a résolu de croiser grands auteurs et autrices et petits génies de la littérature musicale dans le récital J’ai des lettres, mais j’ai pas de culotte. Peut-on enchaîner du Piaf et du Julio Iglesias? Réponse samedi 11 mars.
“Ma spécialité est de tomber amoureuse de textes peu visibles, où s’expriment de véritables voix, une excentricité dans le plus beau sens du terme. Comme celle d’Unica Zürn, qui arrive à parler de la maladie mentale avec puissance, désespoir, allégresse, et même sens du merveilleux.” De L’Homme-Jasmin, texte éclaté et hybride, Caroline Lamarche propose un montage dont elle a confié l’interprétation à Anne Alvaro. À découvrir le dimanche 12.
Les Historiennes qu’évoque Jeanne Balibar dans sa première création en solo sont trois amies de lycées ayant embrassé cette profession. Avec leur complicité, la comédienne donne voix en scène à trois femmes en lutte : l’esclave Páscoa Viera dans le Brésil du XVIIe siècle, la parricide Violette Nozière dans la France des années 1930, l’actrice et militante Delphine Seyrig dans le monde de l’art post-68.
Caroline Lamarche et Joëlle Sambi, aussi différentes soient-elles, se rejoignent en bien des points, dont celui de la lutte. Pourquoi nous battons-nous? s’interrogent-elles de concert dans le dialogue qui inaugure le 10 mars et sous-tend sur la durée les Mots à Défendre.
Des constats et des pistes, mais aussi un titre, inspirés par le magnifique film d’Alain Platel et Mirjam Devriendt Why We Fight, où il est question de “violence intime, climatique, étatique”. Ce satellite des MàD sera projeté le lundi 13 mars au Cinéma Palace.
Quoi : Un nouveau festival festif, réflexif, participatif, transgressif, pluriel, spectaculaire, intime, pour faire résonner les mots. | Où : Dans les différents espaces du Théâtre national Wallonie-Bruxelles. | Quand : Six jours de programmation étalés sur deux week-ends, du 10 au 12 et du 17 au 19 mars. | Infos, programme complet, tarifs, rés. : 02.203.53.03 – www.theatrenational.be
Profitez de notre offre du moment et accédez à tous nos articles en illimité
Déjà abonné ? Merci de valider votre compte pour accéder au contenu sur ce support.