Un père et sa fille sur le fil du suicide
Entre acrobaties et mots choisis, Tania Simili et Jean-Luc Piraux traversent les frontières de l’au-delà et laissent place au sourire.
Publié le 21-03-2023 à 19h02
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Boutès, comme celui des Argonautes qui fut envoûté par les chants des sirènes et plongea dans la mer… Sauvé par Aphrodite, il devint son amant et eut deux enfants de la déesse : Éryx et Polycaon.
Incarné par Jean-Luc Piraux dans le spectacle de cirque homonyme nourri d'humanité, Boutès eut également deux filles, l’une au jonglage et à l’acrodanse, Tania Simili. L’autre, sa soeur, Sarah, à la mise en scène. Il connut cependant une fin moins heureuse et se laissa emporter par les abysses marins, épuisé de jouer les équilibristes avec la vie.
Pourquoi ? lui demande sa fille sur scène dans un spectacle à mi-chemin entre le cirque et le théâtre qui questionne le fil fragile de la vie et l’envie de le rompre, montrant par là que le cirque peut aborder tous les sujets, entre autres grâce aux métaphores. À l’image de ces quilles posées à même le sol, qui représentent les membres de la famille - des grands-parents radins, qui finiront dans la poche arrière du pantalon de Jean-Luc Piraux, au parrain qui ne sentait pas vraiment bon ou au poisson rouge Robert, mort d’avoir été trop nourri… Autant de personnages qui semblent sortir du grenier, tel Jean-Luc Piraux, comédien sensible aux allures de clown dégingandé, qui arrive sur scène, dépoussière sa veste, ouvre son pupitre et revient parmi nous.
S'ébauche alors, entre jonglage et tissu aérien, le dialogue entre une fille et son père, qui égrènent les souvenirs depuis les vacances en bord de mer aux premières craintes lorsque l’enfant grimpe aux arbres. Ce n’était pourtant qu’un début… Des souvenirs qui respirent le bonheur et la tendresse, à l’image de la relation entre ce père émerveillé par sa fillette et celle-ci, lovée dans son amour. Jusqu’à ce que tonne l’orage et pleuvent les interrogations. Boutès reprend sa veste à sa fille. Pas question qu’elle endosse sa souffrance ou porte ses choix.
Autobiographique
Autobiographique, le spectacle est né de l’envie des deux sœurs Tania et Sarah Simili de la Compagnie Courant d’Cirque d’évoquer le suicide de leur père.
Prévu pour le festival Up de 2020, il fut reporté pour cause de covid. Ce temps suspendu permit une nouvelle réflexion et dramaturgie. Car, estime Tania Simili, “traiter du deuil par le mouvement ouvre beaucoup de possibilités. Le geste peut exprimer la tristesse, l’abattement, la colère. Mais les questions autour du deuil ont besoin de mots. “
Sarah passe à la mise en scène et Jean-Luc Piraux, désarmant de sincérité, moins verbal et plus acrobatique que d’habitude, entre en piste. Il en résulte un moment de tendresse, de silences et de délicatesse d’une douce lisibilité et réelle nécessité.
Bruxelles, du 23 au 26 mars à Up-Circus&Performing Arts, 02 538.12.02 ou upupup.be