“M·Ondes” et “Le Complot du quotidien”: quand la danse convie l’inédit dans l’ordinaire
Juxtaposées en une soirée, les créations de Marielle Morales et Karine Ponties résonnent entre elles: deux chambres d’écho pour routine dé/réglée et pensées vagabondes. Jusqu’au 1er avril aux Brigittines.
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- Publié le 29-03-2023 à 18h06
- Mis à jour le 29-03-2023 à 18h22
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Chez la première, le son et les corps fusionnent dans une matière neuve: M·Ondes en effet forge son univers visible avec l’impalpable et pourtant intense présence des ondes. Car la danse et le son, chez Marielle Morales, vont de pair, jusqu’à agir sur l’espace.
Chez la seconde, l’impalpable – toujours lui – se tapit dans les replis du banal. Et l’invisible joue des tours au réel. Articulé par Karine Ponties, Le Complot du quotidien donne corps à la contradiction, aux paradoxes qui empèsent ou enluminent nos vies.
Pour indépendantes qu’elles soient l’une de l’autre, ces deux créations – présentées aux Brigittines lors d’une soirée composée – se font écho. Non seulement dans les forces agissantes que chacune évoque à sa manière, mais dans l’espace ouvert par chacune aux pensées vagabondes de qui s’y promène.
Le champ élargi de la perception
Que l’on s’attache là au détail d’un geste, là à la tessiture d’une atmosphère, là au rythme d’une séquence, M·Ondes comme Le Complot du quotidien agissent comme des matières mi-absorbantes mi-réfléchissantes.
D’organicité spectrale en envolées tempétueuses, Marielle Morales et ses interprètes – Estelle Delcambre ; Sarah Klenes, Léa Vinette – s’appuient sur le son de Maxime Bodson, les costumes et la scénographie de Nina Lopez Le Galliard, les lumières de Nelly Framinet, pour explorer un monde habité, forgé, gouverné par une pulsation collective qui monte en puissance. Ondulations et variations, articulations et respirations: les évolutions de M·Ondes nous bousculent et nous invitent dans le champ élargi de la perception.
La mélancolie du pingouin
”Il faut une portion d’absurde pour prêter attention à l’ordinaire, et passer par un tas de bizarreries pour arriver à faire simple”, nous confiait Karine Ponties en prélude à la création du Complot du quotidien.
Accompagnée par la pensée du Perec de L’Infra-ordinaire, la chorégraphe s’est également inspirée de l’auteur ukrainien russophone Andreï Kourkov et de son Pingouin. Fugace et cocasse, sa silhouette encombrante s’invite dans un quotidien dont elle épingle la mélancolie.

La joie a pourtant sa place ici aussi. Martina Martinez Barjacoba et Ares D’Angelo habitent, de leur gestuelle singulière et complice, le petit logis conçu par Stephan Dubrana. Or leur quotidien subit les interventions d’un comploteur (Eric Domeneghetty), invisible à leurs yeux comme peut l’être, à ceux de son milieu, l’artiste avançant en âge ou qu’une blessure éloigne de sa profession…
Le clin d’œil, appuyé, laisse cependant se déployer cet univers familier et facétieux, avec ses absences, ses pertes (de sens, d’objets), ses sursauts, ses détours.
L'autre est toujours une machine à déformer les certitudes
Composé avec une extrême finesse et une bonne dose d’humour, Le Complot du quotidien, sans faire étalage d’émotions, laisse à la colère, à la tendresse, à la voracité, à l’agacement, des brèches où s’infiltrer. Avec la complicité toujours de Guillaume Toussaint Fromentin (dramaturgie, lumières) et de David Monceau/Olyphant (musique), Karine Ponties traque l’inédit dans l’ordinaire. Elle peut compter pour cela sur un formidable duo d’interprètes, dont la précision et la virtuosité s’enveloppent de délicieuse désinvolture, dans une ode dé/réglée aux cycles, rituels et routines.
- Bruxelles, Brigittines, jusqu’au 1er avril. M·Ondes à 19h (19h15 le 30/3) en salle Mezzo, Le Complot du quotidien à 20h30 (21h le 30/3) en chapelle. Infos, rés.: 02.213.86.10 – www.brigittines.be