"En attendant Bojangles", du roman au théâtre, un pas de trois follement lumineux
Victoire Berger-Perrin crée, pour la première fois en Belgique, l’adaptation du roman à succès d’Olivier Bourdeaut, avec Charlie Dupont, Tania Garbarski et Jérémie Petrus. Une ode déjantée à l’amour et à la vie. Au Public, jusqu’au 29 avril.
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- Publié le 30-03-2023 à 17h06
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Pour Victoire Berger-Perrin, jeune metteuse en scène française, En attendant Bojangles, c’est un peu l’histoire des premières fois. Ce roman est le premier d’un jeune auteur alors totalement méconnu, Olivier Bourdeaut. Sorti en en 2016, son livre remporte un succès immédiat, couronné de multiples prix. Au même moment, Victoire Berger-Perrin mène une jolie carrière d’assistante à la mise en scène, mais son rêve, c’est de lancer son propre projet de mise en scène.
Elle tombe alors sur le livre de Bourdeaut et c’est le coup de cœur. Elle le tient, son projet : elle va adapter et porter sur les planches En attendant Bojangles. Elle contacte l'écrivain et son éditrice, remet une proposition et, alors qu’ils sont trois candidats sur le coup, chance !, son projet est retenu. Le spectacle est créé quelques mois plus tard, au Festival d’Avignon 2017. La salle est comble pendant trois semaines. Pari réussi. La pièce sera ensuite jouée des centaines de fois, à Paris et en tournée.
Mais l’histoire des premières fois ne s’achève pas ici. À l’été 2019, Victoire Berger-Perrin rencontre, à Avignon, les comédiens Charlie Dupont et Tania Garbarki, qui jouent Les émotifs anonymes. Ils sympathisent et le duo belge lui propose de présenter sa pièce à Bruxelles, nouvelle première, et de leur confier le rôle de ce couple fou d’amour. L’affaire est bouclée, et la distribution complétée par Jérémie Petrus, qui interprète le jeune fils, narrateur principal du récit.
Adapter, c’est trahir
Si comme le dit bien la locution italienne, Traduttore, Traditore (Traduire, c’est trahir), adapter un roman pour le théâtre ou le cinéma (En attendant Bojangles a été adapté au cinéma en 2021, avec Romain Duris et Virginie Efira), c’est également, toujours, un peu l’altérer. Dans sa version, Victoire Berger-Perrin a fait le choix partager la narration entre le fils et le père, là où, dans le roman, seul le fils raconte l’histoire fondée sur ses souvenirs d’enfant. Le récit se centre, en outre, sur le noyau familial, complété par l’évocation de deux personnages : Mademoiselle Superfétatoire, une grue-oiseau de compagnie, et L’Ordure, un sénateur ami de la famille.
Bien évidemment, en ramenant un texte de 160 pages à un spectacle d’1h20, tout ne peut être retranscrit sur scène. Mais, tel n’est pas le but non plus, et cette adaptation, bien ficelée, concentre l’essentiel du roman d’Olivier Bourdeaut. Surtout, elle diffuse parfaitement l’ivresse, l’insouciance, l’atmosphère festive et déjantée qui porte cette histoire d’amour hors norme. Ce, grâce à l’interprétation des comédiens et à l’élégante scénographie de Caroline Mexme, avec son sofa vert bouteille, son petit secrétaire et sa machine à écrire, et ses tulles imprimés.

On le voit, on le sent tant elle rayonne sur scène, Tania Garbarski prend un plaisir immense à interpréter cette femme épicurienne, rebelle et fantasque, passionnément éprise de son mari et toute dévouée à son fils. Pour elle, la vie n’est qu’amour, désinvolture, fêtes gargantuesques, alcool, escapades (dans leur château en Espagne) et pas de danse, avec, chaque jour, comme un refrain, ce titre mélancolique de Nina Simone, En attendant Bojangles, qui résonne sur le vieux tourne-disque de leur appartement. Excentrique et sans limites, elle sait que la folie est tapie dans un coin de son cerveau : peu à peu, ses démons intérieurs surgissent, prêts à l’engloutir.

À ses côtés, Charlie Dupont et Jérémie Petrus, en père et fils fous d’amour pour celle qui partage leur vie et en témoins de cette malédiction qui les frappe, jouent tout autant qu’ils racontent, ce qui apporte du rythme au récit et différents angles de vue.
Du roman au théâtre, Victoire Berger-Perrin offre ainsi au public un pas de trois follement lumineux.
-- > Bruxelles, Le Public, jusqu’au 29 avril. Infos et rés. au 02.724.24.44 ou sur www.theatrelepublic.be