Toute la beauté et la technicité de la danse avec Opinion Public
Double création au Marni de la compagnie de danse néo-classique : “Empty Room” et “Green Reset”. Poésie, frissons, amplitude, maîtrise technique : à ne pas manquer ! Jusqu’au 17 mai.
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Publié le 12-05-2023 à 17h06
Pour tout artiste, un soir de première est un tourbillon d’émotions : excitation, stress, fébrilité, fierté… Mais, au Théâtre Marni, ce jeudi soir avait un goût tout particulier pour la compagnie de danse bruxelloise Opinion Public. Après 13 ans d’intense collaboration et une quinzaine de créations, les quatre danseurs fondateurs – Étienne Béchard, Sidonie Fossé, Victor Launay et Johann Clapson – signent leur dernière chorégraphie ensemble : Green Reset.
Dès après le 17 mai (date de la dernière représentation), ils prendront chacun leur envol vers de nouveaux horizons. La compagnie ne s’arrête pas pour autant : la danseuse et chorégraphe Sidonie Fossé en reprend la direction artistique. Pour marquer cette transition, elle a chorégraphié Empty Room, une pièce pour deux danseurs d’exception, Larissa Dorella et Tars Vandebeek, que le public peut découvrir en première partie de soirée, juste avant Green Reset.
Pari réussi
Coups d’éclairs, bruits d’orage. Dans les éclats de lumière se dessinent deux silhouettes fantasmagoriques. Elles disparaissent. Lumière sur le plateau. Un couple est endormi dans un lit de carton. Il se réveille, chausse ses lunettes et prend un livre. Elle se lève, enfile un peignoir. Mais il la ramène au lit. À peine a-t-il le temps de lui remettre la couverture qu’elle glisse sous le lit. Pour réapparaître seule au milieu de la scène.
Éclairée par un faisceau de lumière crue puis par une succession de néons, Larissa Dorella livre un solo puissant, fougueux presque torturé. On la devine dans cette Empty Room (littéralement “chambre vide”), où elle défie les lois de la physique. Comme aimantée par le sol, elle cherche vainement à lutter, par des mouvements désaxés, mais nets, avant de se jeter à terre, de ramper dans une gestuelle très souple. Saisissant !

C’est à présent à Tars Vandebeek d’être “prisonnier”. On y retrouve la même énergie dans son interprétation, plus théâtrale, la même justesse technique dans le travail au sol.
Les voilà à présent réunis sur le lit pour des “ébats” plein de drôlerie et de tendresse. Puis, ils s’emparent chacun d’un livre. Mozart résonne. Le temps se suspend. Pour ce dernier tableau, le couple danse, sans quasi jamais se lâcher. Les portés imaginés par Sidonie Fossé sont magnifiques, picturaux, aériens. Ils s’enchaînent avec une incroyable fluidité tandis que Larissa Dorella et Tars Vandebeek ne quittent ni des mains ni des yeux leur bouquin. Quelle prouesse !

Les applaudissements fusent. Pari réussi pour Sidonie Fossé qui est parvenue à transmettre l’âme d’Opinion Public à deux nouveaux jeunes danseurs, avec de la poésie, de la beauté, de la technicité alliant mouvements classiques et contemporains, et une scénographie léchée aux éclairages savamment soignés.
Complicité évidente, technique parfaite
Pour leur dernière création ensemble, Green Reset, les quatre danseurs fondateurs d’Opinion Public se sont projetés dans un monde postapocalyptique, où tout lien authentique avec la nature aurait été oublié.
Sur un sol rouge, une silhouette (Sidonie Fossé) gît dans un tas de copeaux. Un homme (Victor Launay) la rejoint. Sur une musique aux accents métalliques, le duo, en justaucorps vert foncé, danse avec une infinie légèreté, multipliant les portés, amples et harmonieux. La complicité est évidente, la maîtrise technique, parfaite.

La salle est gagnée par le frisson et l’émotion à mesure que le couple savoure les derniers instants d’une aventure humaine et artistique entamée il y a 13 ans. Au salut, le collectif sera rappelé quatre fois.
-- > Bruxelles, Marni, jusqu’au 17 mai. Infos et rés. au 02.639.09.82 ou sur www.theatremarni.com