“Alma”, un Faust à l’ère des réseaux sociaux
Fabrice Murgia et Peggy Lee Cooper revisitent le mythe. Comédie musicale, téléréalité et cabaret drag.
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Publié le 18-05-2023 à 15h26 - Mis à jour le 19-05-2023 à 09h59
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À l’heure où les algorithmes dictent leur loi, “vendre son âme” a pris un sens neuf et sacrément concret. Il n’en fallait pas plus à Fabrice Murgia, toujours désireux de questionner l’actualité à travers ses spectacles, pour lancer sa Cie Artara à l’assaut de Faust. Dans le conte, le savant Faust signe avec le diable un pacte qui lui assure que ses vœux seront exaucés.
Plus qu’une énième adaptation de l’œuvre à laquelle Goethe a donné ses lettres de noblesse, Alma se présente comme une revisite du mythe, une relecture contemporaine à la lumière de la chasse aux “like”.
C’est en tandem avec la performeuse, chanteuse, actrice, productrice, réalisatrice Peggy Lee Cooper, que le metteur en scène de Sylvia, ou plus récemment de La Dernière nuit du monde, signe cette création. Leur pari: “une forme à cheval entre la comédie musicale et le cabaret (selon la tradition anglo-saxonne où les deux cultures se mixent et se nourrissent l’une de l’autre)”, explique Peggy. Un spectacle qui entremêle leurs univers respectifs.
Société de l’egotrip
Après l’intro de Peggy – redoutable maîtresse de cérémonie farcissant de cru et de piquant le protocole –, le rideau s’ouvre sur la finale de Celebrity Big Sister. La compétition télévisée voit s’affronter les deux dernières concurrentes la favorite Judy, psychologue désenfantée (magnifique Vanessa Van Durme), et l’outsider Alma, avocate (Sarah-Louise Young).
Celle-ci pactisera avec Lucy Fer, avatar méphistophélique, pour remporter non seulement la partie mais la fortune, la renommée, le pouvoir. Tout ce que glorifie en somme la société de l’egotrip algorithmiquement cultivée par les géants des médias, du web, du capital. La métaphore est évidente. Presque trop: misant gros sur le show, Alma ne dépasse pas, sur le fond, le constat exposé.
Surfant sur la vague – riche, diverse, passionnante – du cabaret drag (avec aussi parmi les interprètes Aleksei Von Wosylius), qui croise celles du reality show et du musical, Alma compile les tendances mais cherche encore sa cohérence.
De brillants talents servent l’option comédie musicale: le livret confié à la performeuse et musicienne britannique Tricity Vogue, la partition de Matthieu Vandenabeele – qu’accompagnent ou relaient en live Emmanuel Delcourt (piano et chœurs), Gaelle Swann (batterie et chœurs) et Aloïs Houdart (trompette et chœurs) –, la présence et le chant de Sarah-Louise Young, l’aisance vocale de Peggy Lee Cooper. Cependant les parties chantées ne semblent trop souvent que plaquées sur la narration, offrant une couche de plus là où on attendrait davantage de relief, une nouvelle dimension.

Quant à l’ingrédient vidéo, il n’apparaît une fois de plus ici que comme un accessoire, quasiment inévitable – téléréalité oblige – mais intrinsèquement dispensable, à l’exception de rares plans rapprochés supposés donner accès aux émotions des personnages.
Un puzzle à parfaire.
- Namur, Théâtre, jusqu’au 19 mai – 081.226.026 – www.tccnamur.be
- Et ensuite: les 12 et 13 août au Royal Festival de Spa, les 9 et 10 novembre à Luxembourg, le 22 novembre à Louvain, le 5 mars 2024 à Bruges, les 21 et 22 mars à La Louvière, du 26 au 30 mars à Bruxelles, Théâtre national.