Au Kunstenfestivaldesarts, “J’ai une épée” de et par Léa Drouet: se laisser pourfendre par l’enfance
Après “Violences”, Léa Drouet examine les institutions chargées de protéger la jeunesse, en débusque les manquements, redonne place aux vies et aux imaginaires des enfants.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/56207dc1-4449-4789-b3e7-11e31d796eb5.png)
Publié le 19-05-2023 à 20h45 - Mis à jour le 30-05-2023 à 14h37
:focal(1531x1029:1541x1019)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/JLRDD35YWRGSBLWYRWQSI5YKVI.jpeg)
Une série de blocs de tailles diverses, soigneusement alignés, structurent la scène. Le blanc pailleté de leur surface se révélera irisé et mouvant sous les lumières. Léa Drouet s’avance. Cheveux courts et platine, short et haut à capuche, baskets, chaussettes. Androgyne, juvénile. L’enfance la traverse.
Car voilà bien la démarche de l’autrice et performeuse: s’approcher de l’enfance et non poser sur elle un regard, un discours qui la circonscrivent et, partant, la limitent. C’est par le souvenir d’abord qu’elle nous emmène: un dessin retrouvé, plus tard des bulletins scolaires. Comment l’enfant voit l’adulte (en l’occurrence une maîtresse d’école coiffée d’une couronne), comment l’adulte juge l’enfant (via par exemple des commentaires sur les apprentissages scolaires).

L’école n’est pas tout, mais demeure lieu de référence. Lieu aussi de traumatisme, quand un prof, pour avoir montré une caricature, est assassiné. Lieu alors de suspicion, appuyée par la “consigne nationale”, en conséquence de laquelle plusieurs dizaines d’enfants, parfois de seulement dix ans, ont eu à subir arrestations et interrogatoires liés à “l’apologie du terrorisme”.
Lieu supposément égalitaire mais lieu d’exclusion quand les enfants ne sont pas jugés l’être suffisamment pour en bénéficier.
L’imaginaire en guise d’autodéfense
Avec quelques accessoires scintillants (Élodie Dauguet à la scénographie, Eugénie Poste aux costumes), de subtiles modifications sonores (Èlg), des variations de tessiture lumineuse (Nicolas Olivier), et une dramaturgie sur le fil (Camille Louis), Léa Drouet trace avec J’ai une épée un chemin fragile et important entre les réalités de l’enfance et la fabulation, l’imaginaire comme voie d’autodéfense enfantine.
Elle-même mère et très ébranlée par les manquements voire les dérives des institutions supposées protéger la jeunesse, la performeuse livrait, jeudi au National, la première aussi émouvante qu’émue de ce que sa complice dramaturge qualifie très justement de “féerie documentaire”.
- Bruxelles, National (studio), jusqu’au 21 mai. Dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts, en cours jusqu’au 3 juin – 02.210.87.37 – www.kfda.be