Au Kunstenfestivaldesarts, un bouquet final entre fantasme exotique et réflexion sur le Capital
Du travail délocalisé aux artistes qu’ostracisait leur couleur: au KFDA, la compagnie Kepler-452 et la chorégraphe Amanda Piña répondent à leur manière aux canons de la domination.
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- Publié le 31-05-2023 à 08h14
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Outre la création très attendue d’Anne Teresa De Keersmaeker, Meskerem Mees et Jean-Marie Arts (EXIT ABOVE d’après la tempête est créé dans le cadre du Kunsten au Théâtre national avant de rejoindre en juillet le Festival d’Avignon), le Kunstenfestivaldesarts propose, pour ses derniers jours, un nouveau grand écart. Où promettent de se révéler, une fois de plus, des liens insoupçonnés.
Venue de Bologne, la compagnie Kepler-452 présente aux Tanneurs Il Capitale – Un libro che ancora non abbiamo letto (en v.f.: Le Capital – un livre que nous n’avons pas encore lu). Des faits réels fondent ce spectacle. Lorsque, un matin d’été de 2021, le personnel d’une usine italienne reçoit un courriel lui annonçant son licenciement, les 422 personnes décident d’occuper l’usine afin d’empêcher que l’employeur ne délocalise à la fois les machines et la production vers des zones du monde où le travail coûte moins cher.
Usine occupée, liens tissés
La première idée de Kepler-452 a été de rejoindre l’occupation lors d’une des premières réunions, et d’y puiser matière à étayer une future production théâtrale inspirée du Capital de Karl Marx.
Mais de la théorie à la vraie vie, il y a une faille. Et l’occasion de revoir les choses sous un angle neuf. L’occupation a duré des mois au fil desquels, outre les liens tissés entre la compagnie et l’ensemble du personnel, s’est esquissée une performance conçue avec les travailleuses et travailleurs. S’y combinent leurs parcours personnels et professionnels, leurs questionnements sur ce qu’il advient de la vie après la perte d’un emploi, sur la part d’identité liée au travail, sur la reconstruction de soi. Quand la production s’arrête, qu’est-ce qui recommence ?
Vastes questions qui en contiennent une plus vaste encore: le temps. Celui qu’absorbe le travail – au détriment de quoi? de qui? Celui qu’on alloue à progresser dans l’entreprise, gravir les échelons – au détriment de qui? de quoi? Celui que le système s’obstine à rendre productif. Celui qu’on brade. Celui qui s’amenuise. Celui qui reste. Ce que nous en faisons.
Une première pour le KFDA dans les ors et velours du Théâtre du Parc
Par nature bruxellois, bicommunautaire et international, le Kunstenfestivaldesarts s’implante en mai dans une vingtaine de lieux culturels à travers Bruxelles. Des partenaires de longue date, d’autres plus récents ou tout neufs, comme le Théâtre royal des Galeries, populaire et historique fleuron de la vie culturelle de la capitale.
C’est parmi les dorures et le velours de ce théâtre à l’italienne – avec son ciel peint par Magritte et son lustre monumental – qu’Amanda Piña installe EXÓTICA. Chorégraphe mais aussi peintre et spécialiste de l’anthropologie théâtrale, cette artiste d’origine chilienne et mexicaine, vivant entre Mexico City et Vienne, base son travail sur le pouvoir politique et social du mouvement, y compris les cultures, connaissances et pratiques artistiques indigènes.

Dans une scénographie spectaculaire – une jungle tropicale dont les palmiers peints évoquent les fantasmes exotiques d’un autre temps –, Amanda Piña fait évoluer une chorégraphie proche de la transe, où des interprètes aux costumes miroitants invoquent leurs ancêtres. Entre conjuration, célébration, exorcisme, et en dialogue avec le public, la chorégraphe propose une sorte de rituel qui réintègre les artistes dont les corps racisés voire ostracisés n’étaient jadis admis à se produire en de tels lieux que pour l’exotisme qu’ils représentaient.
Deux réponses artistiques actuelles aux canons de la domination capitaliste et blanche.
- Il Capitale – Un libro che ancora non abbiamo letto, aux Tanneurs du 31 mai au 3 juin.
- EXÓTICA, au Théâtre royal des Galeries du 1er au 3 juin.
- Kunstenfestivaldesarts, à Bruxelles, jusqu’au 3 juin – 02.210.87.37 – www.kfda.be Quand Jusqu’au 3 juin