Comment la danse fascine et forge dès la petite enfance
Vrai coup de cœur aux Rencontres théâtre jeune public pour “Alter” de la Compagnie Nyash qui à nouveau nous enchante et nous réjouit.
- Publié le 19-08-2023 à 11h21
- Mis à jour le 21-08-2023 à 11h09
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Terre rouge d’argile sur le sol, matière et africanité, terre d’origine, d’accueil et des possibles, terre que travaille, triture l’impétueuse et joyeuse Miko Shimura devant les enfants médusés. La compagnie Nyash invite à nouveau le public dans son univers sensible, hors temps, hors sol… Caroline Cornélis, chorégraphe exigeante, ne laisse rien au hasard et chacune de ses propositions traduit son respect pour la danse et pour ceux avec qui elle souhaite le partager, les enfants, ces adultes de demain qui grandissent et se construisent aussi en se frottant à l’art. Toujours capable de se renouveler, comme l’ont prouvé Stoel – remarqué au prestigieux festival d’Edimbourg – ou Llum, elle vient de remodeler Terre Ô pour une création réinventée et réenchantée.
Avec sa cape verte en éponge de dragon, assis sagement au premier rang, un des jeunes spectateurs est paré pour l’aventure. Premiers froissements et premières exclamations de son voisin, assis à même le sol, qui s’approche dangereusement de la scène et ne quitte pas la chorégraphe des yeux. Le rythme s’accélère, la féline devient guerrière. L’enfant recule, se blottit dans les bras de sa mère, puis attiré comme un aimant par l’Alter qui se joue devant lui, s’approche à nouveau du plateau. Et observe, fasciné.
Elle malaxe la terre glaise, frotte ses mains, telle l’artisane, sur sa chemise ample et son short bleu. Un monde se crée en quelques secondes. Elle court entre les figurines, la famille qu’elle s’est inventée.
L’enfant avance à plat ventre sur le plateau, petits cris et doux commentaires à l’appui. Il est captivé. La danseuse gère, le regarde, lui sourit, balance ses personnages, ses blocs de terre, arrose le sol, joue avec Tom Malmendier, qui l’accompagne de son udu, argilophone ou mobile d’argile pendant qu’elle se coiffe de l’une ou l’autre vasque. Tout est matière à jeu, à rencontre, à confrontation. Les complices se toisent, se provoquent, se retrouvent ou s’étreignent en ce duo dansé en puissante légèreté.
Subjugué

Toujours subjugué, le petit garçon n’a cessé d’avancer, puis de reculer, sans jamais franchir l’invisible frontière. Il suffit de le regarder pour percevoir l’importance de la danse jeune public, très présente cette année aux Rencontres théâtre jeune public, qu’il s’agisse d’Incorporer/Kids d’Olga de Soto qui privilégie l’exploration de l’eau, du souffle, du ballon et d’expériences physiques mais qui oublie de nourrir son propos. Ou de Danses en dormance de Marian del Valle pour un fascinant hommage aux pionnières de la danse moderne, pièce pour deux danseuses et un pianiste qui arrive aujourd’hui à Huy. “Poésie vive, réminiscences évanescentes, images fortes : comme une leçon d’histoire qui s’adresserait directement au cœur” écrivait notre collègue Marie Baudet dans La Libre du 31 mars 2021. Ou encore de Sa vie de XL Production/Cie Villa Lobos, spectacle de mémoire lui aussi qui dresse le portrait dansé et raconté d’Isadora Duncan (1877-1927), danseuse mythique qui révolutionna la danse avec son style libre et fluide et ouvrit les portes de la danse contemporaine.
POp ! au royaume du mime

On quitte la danse, mais on reste dans le mouvement et le non verbal avec POp ! de l’Anneau. Mime et complicité sont au rendez-vous de ce spectacle visuel qui joue sur les contrastes et le comique à répétition dans un registre clownesque où claquent les portes, où s’ouvrent les tiroirs, où se déploient des bras inattendus au sortir d’une armoire pleine de ressources mais aussi de cravates, de chaussettes dépareillées, de soutiens-gorge ou de robes de bal. De quoi se déguiser à l’infini, devenir l’autre et se jouer des apparences pour désarçonner les spectateurs.
Parti d’une garde-robe blanche, comme cette page sur laquelle tout reste à écrire, un pantin aseptisé et asexué découvre peu à peu la vie, ses couleurs, ses sourires, ses surprises, sa pilosité, ses questionnements, son autre.
La scénographie esthétique et inventive de Sylviane Besson sert la mise en scène ludique d’Ariane Buhbinder et son propos autour de l’identité interrogée dans le miroir. Qui suis-je ? Puis-je devenir l’autre ? L’habit fait-il le moine ? Doit-on vraiment rentrer dans les cases et les tiroirs ?, se demande-t-on, notes d’humour à l’appui, dans ce POp ! qui manque parfois de tension dramatique mais qui plaira certainement aux enfants dès 6 ans. Belle approche du mime et rires en perspective.