”Le vif du sujet”, un spectacle sur le cancer du sein abordé “avec de la joie et de la santé”
Rapport au couple, au milieu médical, au monde du travail, à la société…, Laurence Bastin, à l’écriture, et Laurence D’Amelio, au jeu, racontent et questionnent, au travers du cancer du sein, les étapes et sentiments que l’on traverse lorsqu’on est confronté à une épreuve douloureuse. Au Théâtre Le Public, dès le 2 septembre.
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- Publié le 01-09-2023 à 15h13
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Elle a le regard lumineux, la sensibilité à fleur de peau et une forme de quiétude, de paix intérieure qui irradie sur son visage. On le sent, pour son premier seul-en-scène, Laurence D’Amelio a beaucoup plus qu’un texte, Le vif du sujet écrit par Laurence Bastin, à porter. Elle a, d’abord et plus que tout, une histoire à raconter, qui pourrait être la sienne, la nôtre, la vôtre peut-être aussi.
Cette histoire, c’est celle d’Isabelle, atteinte d’un cancer du sein. Dès ce 2 septembre, au Théâtre Le Public, elle va, sans détour, mais “avec de la joie et de la santé”, emmener le public sur le long chemin de la maladie et les différentes étapes qui la jalonnent.
Que l'on soit malade ou non, je pense qu'on a besoin de parler, de se fraterniser, de respirer, de ralentir le rythme."
”Au départ, ce projet était comme une petite bulle destinée à être jouée dans les milieux médicaux pour aider les femmes à reprendre un peu de pouvoir sur elles-mêmes et libérer leur parole, explique Laurence D’Amelio, parce que la parole soigne. Que l’on soit malade ou non, je pense qu’on a besoin de parler, de se fraterniser, de respirer, de ralentir le rythme”. Pourquoi le cancer du sein ? “Ma grand-mère est décédée d’un cancer du sein à l’âge où je suis allée vers Laurence (Bastin) pour écrire sur ce sujet.” Puis, ajoute-t-elle, “j’ai toujours été très touchée par les gens qui subissent des abus dans le milieu médical, dans les homes ou à d’autres endroits dans la société”. “J’avais donc envie de rappeler aux êtres qu’ils ont du pouvoir sur eux-mêmes, qu’ils se connaissent et qu’ils ont droit à des réponses et à ne pas être dépossédés d’eux-mêmes dans la maladie, qui les rend complètement vulnérables.”
Aimez-vous vos seins ?, faites-vous du monokini ?….
Laurence Bastin et Laurence D’Amelio se connaissent depuis quelques années déjà, au travers du théâtre amateur qu’exerce la première. “Un jour, Laurence m’a téléphoné pour me proposer d’écrire sur les seins et, plus particulièrement, le cancer du sein, raconte Laurence Bastin. Je me suis sentie flattée, mais j’avais une petite appréhension par rapport au sujet parce que je ne me sentais pas du tout légitime pour écrire sur ce thème : ni moi ni personne dans ma famille n’a eu de cancer”. L’autrice sonde néanmoins “quelques connaissances” qui avaient traversé cette maladie et “qui apprécient mes spectacles et mon écriture”. “Donc, je leur ai demandé la permission. Puis, je leur ai proposé, ainsi qu’à plein d’autres femmes de mon entourage, de répondre à un questionnaire sur les seins.”

L’éventail des questions est très large : savez-vous ce qu’est un sein ? ; aimez-vous vos seins ? ; faites-vous du monokini ? ; aimez-vous la lingerie ? ; les seins sont-ils, à vos yeux, maternels ou sexuels ? ; etc. “Les réponses que j’ai reçues étaient extraordinaires. C’étaient des confessions intimes, s’émeut Laurence Bastin. Il y avait une dernière question qui portait sur le cancer du sein et je proposais aux femmes qui le souhaitaient de les écouter si elles voulaient en parler”. La parole se libère. Laurence Bastin découvre le récit de femmes “dont j’ignorais totalement qu’elles étaient passées par là”. De fil en aiguille, elle est même conviée à rencontrer leurs conjoint et enfants.
”Ce sujet n’est pas plombant”
Au bout d’un an d’enquête, Laurence Bastin a ainsi collecté des centaines d’heures de témoignages. “Pendant les entretiens, je n’enregistrais ni ne prenais aucune note, pour qu’elles puissent parler librement, précise-t-elle. Puis, quand je rentrais chez moi, je grattais pendant des heures et des heures”. Cette matière dense rassemblée, “très vite, nous avons réfléchi à créer un personnage dont les spectateurs pourraient suivre le parcours de transformation, de sublimation et de transcendance de la maladie”, poursuit l’autrice. Dans ce parcours, souligne Laurence D’Amelio, “tout est réel”, tiré des témoignages minutieusement récoltés.
Au bout d’un an d’enquête, Laurence Bastin a collecté des centaines d’heures de témoignages.
Lorsqu’elle couche ses mots sur le papier, Laurence Bastin trempe sa plume dans “l’humour, la bienveillance et l’autodérision”. Écrire sur le cancer du sein “me faisait peur”, confie-t-elle. Mais “quand j’ai rencontré ces femmes, j’ai découvert que certaines avaient un recul extraordinaire et me racontaient des anecdotes très drôles”. “Je me suis alors rendu compte que ce sujet n’est pas plombant, que ces femmes sont dans la vie.”
Le cancer du sein est, en fait, un prétexte pour exposer des biais dans nos rapports humains."
Il ne faudrait toutefois pas s’imaginer que Le vif du sujet (mis en scène par Patricia Ide)* ne tourne qu’autour du cancer du sein. Son propos va au-delà et pourra toucher chacun et chacune. “Le spectacle parle du couple, de la société, des injonctions à la beauté, du monde médical, du milieu professionnel, des maladresses du quotidien, etc., pointe Laurence Bastin. Pour moi, le cancer du sein est, en fait, un prétexte pour exposer des biais dans nos rapports humains”. Et ce quelle que soit l’épreuve que l’on est amené à traverser.
* Le spectacle existe aussi dans une petite forme, à découvrir en milieu médical, en introduction à des conférences, etc.
→ Bruxelles, Le Public, du 2 septembre au 21 octobre. Infos et rés. au 02.724.24.44 ou sur www.theatrelepublic.be