Avec “Lysistrata”, les femmes prennent le pouvoir au Théâtre du Parc
Pour lancer la nouvelle saison de son théâtre, Thierry Debroux propose une adaptation très libre de la comédie “Lysistrata” du poète grec Aristophane, dans laquelle les femmes décrètent la grève du sexe pour dénoncer la guerre et revendiquer leur droit à participer à la vie politique. Dès ce 7 septembre au Théâtre royal du Parc.
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- Publié le 05-09-2023 à 15h22
- Mis à jour le 07-09-2023 à 10h45
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Neuf comédiennes (Béatrix Ferauge, Margaux Frichet, Océa Gonel, Charlotte de Halleux, Noémie Maton, Tiphanie Lefrançois, Alex Lobo, Emma Seine et Anouchka Vingtier) sur scène pour un seul comédien (Guy Pion). En démarrant la saison 2023-24 du Théâtre royal du Parc avec une adaptation très libre de la comédie Lysistrata (411 avant J.-C.) du poète grec Aristophane, Thierry Debroux a, en quelque sorte, voulu réparer “une forme d’injustice”.
Après avoir mis en scène “de grosses machines” telles que Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, Roméo et Juliette de Shakespeare ou encore Animal Farm de George Orwell, le directeur du Parc s’est rendu compte que “la majorité des rôles dans ces grands classiques, dans ces grands romans d’aventures sont masculins, même si les femmes ont des rôles importants aussi, mais il y en a peu”.

Depuis quelque temps donc, il réfléchissait à “trouver une pièce qui [lui] permette de faire l’inverse, c’est-à-dire avoir une grosse distribution de comédiennes”. Cette envie a été renforcée par l’émotion qu’il a ressentie à l’égard des femmes en Iran “qui se battent au péril de leur vie pour obtenir un peu plus de liberté”. Or, “pour moi, si le théâtre ne peut pas rendre hommage à des aventures humaines comme celle-là, et bien, on ne remplit pas complètement notre mission”, affirme Thierry Debroux.
Arrêter la guerre, et après ?
Restait à trouver la pièce. “Pendant que j’étais en vacances, Lysistrata m’est venue en tête, raconte-t-il. C’est une pièce que j’avais lue il y a très longtemps, dont j’avais assez peu de souvenirs, sauf le thème principal, qui s’inscrit dans un contexte historique”. Sous la Grèce antique, Athènes et Sparte se sont fait la guerre pendant près de vingt ans. Le poète grec Aristophane, qui a vécu ce conflit, “en avait complètement marre”, commente Thierry Debroux, “et il a imaginé cette histoire géniale d’un groupe de femmes (les Athéniennes se sont alliées aux Spartiates, NdlR), qui, n’ayant aucun pouvoir dans la cité (pas de droit de vote, pas d’accès au Sénat…) sauf à l’intérieur de leur maison, notamment dans la chambre à coucher, décrètent une grève du sexe pour que leurs hommes mettent fin au conflit”.
Et leur stratégie paie : “L’histoire se termine bien parce que la guerre s’arrête. En revanche, après, les femmes retournent à la maison, ce qui ne me plaisait pas trop”, explique le metteur en scène. Pour monter Lysistrata au Parc, il a donc décidé de “travailler sur l’argument, qui est magnifique chez Aristophane, tout en injectant beaucoup plus dans la pièce”. Concrètement, “il ne s’agit pas d’arrêter l’histoire avec la fin de la guerre et les femmes qui retournent dans leur chambre ou leur cuisine, mais bien de revendiquer des droits que les femmes aujourd’hui encore dans le monde revendiquent parce que ce n’est pas fini, malheureusement”. Voilà pourquoi, ce spectacle est “librement inspiré d’Artistophane” et ce, d’autant qu’il y a chez le poète grec “une trivialité, qui ne me fascinait pas et ne me faisait pas rire”, ajoute Thierry Debroux.
"On doit être très prudent"
Ce Lysistrata – du nom de cette Athénienne qui convainc les autres femmes de se refuser à leur mari – se présente donc comme “un vrai re-travail”, résolument contemporain dans son propos. Thierry Debroux s’est toutefois attaché à ancrer son histoire dans le décor de l’Acropole il y a plus de 2400 ans.
Particularité, aucun scénographe n’a été désigné pour l’élaboration des décors. “Très clairement, cette décision intervient pour faire des économies”, reconnaît le directeur. “Un croquis a suffi pour que le directeur technique et les constructeurs mettent en place un dispositif très simple”, mis en valeur par le support vidéo d’Allan Beurms et les jeux de lumières de Xavier Lauwers.
Malgré nos salles pleines (500 spectateurs par soir), on arrive très difficilement à l'équilibre, en raison du coût de l'énergie, de l'indexation des salaires, etc. Donc, on doit faire des économies.
”Je n’ai pas l’intention d’en faire une habitude, précise le directeur, car ce qui fait la spécificité et le succès de ce théâtre, ce sont les décors, les distributions nombreuses, les costumes incroyables…. Mais, pour l’instant, on doit être très prudent, car on ne connaît pas le montant de notre subvention prochaine (les contrats-programmes 2024-2028 devraient être annoncés d’ici la fin de l’année, NdlR). Or, on a programmé et démarré une saison sans savoir quel argent on recevra”.
Et de s’inquiéter : “On s’aperçoit aujourd’hui que malgré nos salles pleines (500 spectateurs par soir), et elles le sont de plus en plus, on arrive très difficilement à l’équilibre, en raison du coût de l’énergie, de l’indexation des salaires, etc. Donc, on doit faire des économies”. Face à ces difficultés, le Théâtre du Parc ne ménage pas sa peine et multiplie les pistes pour préserver son identité et sa programmation, notamment au travers de co-productions avec le Théâtre de l’Éveil, Le Vilar ou la compagnie Pop-Up.
→ Bruxelles, Théâtre du Parc, du 7 septembre au 14 octobre, à partir de 12 ans. Infos et rés. au 02.505.30.30 ou sur www.theatreduparc.be