L’impresario de Smyrne : retour discret mais gagnant pour Natalie Dessay
Théâtre. Au Vilar, l’ex-soprano joue la comédie en incarnant … une chanteuse d’opéra chez Goldoni.
- Publié le 13-09-2023 à 18h01
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Il y a dix ans, alors au sommet de sa gloire, Natalie Dessay mettait fin à sa carrière d’opéra. Un coup de tonnerre pour nombre de ses fans, mais une demi-surprise pour ceux qui connaissaient bien cette soprano longtemps vouée aux rôles virtuoses de coloratures : comédienne de formation et dans l’âme, on la savait désireuse de revenir à la simplicité des planches mais aussi trop intelligente pour ne pas se rendre compte tout à la fois de la vacuité de la plupart des rôles auxquels sa voix la destinait, et de la perspective du déclin inexorable de ses performances techniques.
Loin de la pression parisienne
Depuis, il y a eu divers spectacles, notamment autour de la musique de Michel Legrand. Et la voici au théâtre, loin de la pression parisienne, incarnant Madame Tognina, une soprano en quête de contrats, obsédée par l’idée d’être prima donna et prête à toutes les compromissions pour y parvenir. Autour d’elle, deux consœurs tout aussi cabotines (Julie Mossay et Jeanne Piponnier), un ténor qui est tout à la fois amant, porte malles et souffre-douleur (Raphaël Bremard), un contreténor fat et précieux (Thomas Condemine), un poète en mal de livrets à écrire (Antoine Minne), un nobliau qui joue les agents avec des motivations qui ne sont sans doute pas purement artistiques (Cyril Collet) et, surtout, habillé en cow-boy de pacotille là où tous les autres sont en tenues XVIII, un impresario venu de Smyrne (Eddy Letexier).
Personnage central de la comédie éponyme de Goldoni, créée en 1759, il est d’abord l’Arlésienne, celui dont tous parlent parce qu’il est l’espoir de relancer des carrières en panne : ce Turc en Italie avant la lettre est venu à Venise recruter à grands frais une troupe pour établir un opéra dans le port de la mer Egée (l’actuelle Izmir). Mais quand on le rencontre enfin, il se lasse très vite des luttes d’influence, caprices et exigences démesurées du monde lyrique et disparaît sans crier gare, ne laissant à la troupe mort-née d’autre choix que de se lancer dans l’autogestion pour dépasser les querelles.
Direction d'acteurs éblouissante
Des extraits du Théâtre comique, autre pièce de Goldoni, ont été insérés dans cette version de L’impresario de Smyrne dont l’adaptation est signée Agathe Mélinand, habituelle complice de Laurent Pelly. Connu surtout ces dernières années pour son travail à l’opéra (on lui doit encore un splendide Eugene Oneguine récemment monté à la Monnaie), Pelly connaît bien Dessay, notamment depuis un inoubliable Orphée aux enfers monté en 1998 à Lyon par Marc Minkowski. Même actualisé, le texte de Goldoni peut sembler un peu daté mais, fort d’une direction d’acteurs éblouissante, d’excellents comédiens et de l’apport déterminant, rythmique et mélodique, de l’ensemble Masques en formation trio (clavecin, violon et violoncelle), la soirée est tout à la fois belle, divertissante et d’un burlesque délicieux.
Louvain-la-Neuve, Aula Magna, jusqu’au 23 septembre ; ensuite au théâtre Royal du Parc et au théâtre de Liège ; www.levilar.be