Mauvaise foie

L’obésité est un fléau de poids. Nous le savons mais n’agissons pas.

L'OMS insiste sur une régulation plus stricte de l’industrie de l’alimentation et des boissons : accises additionnelles en fonction de la qualité nutritive, étiquetage clair de celle-ci et encadrement strict de la publicité.
L'OMS insiste sur une régulation plus stricte de l’industrie de l’alimentation et des boissons : accises additionnelles en fonction de la qualité nutritive, étiquetage clair de celle-ci et encadrement strict de la publicité. ©ÉdA (ILLUSTRATION)

Une chronique “Côté Eco” d’Etienne de Callataÿ (1)

Oui, vous l’avez détectée, il y a une faute dans le titre de cette chronique. Sa raison : attirer l’attention sur notre complaisance envers ce tueur silencieux qu’est la malbouffe. Car, quand il s’agit de protéger notre foie, nous sommes de mauvaise foi.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a récemment publié son cinquième Atlas mondial de l’obésité. En marge de cette étude, une conférence a été organisée à Zagreb avec un focus sur l’obésité infantile (voir La Libre, 11 mai 2023). La situation est grave. En 2020, 14 % de la population mondiale âgée de plus de 5 ans était obèse, et 9 % des enfants entre 5 et 19 ans. D’ici 2035, ces pourcentages vont passer, selon l’OMS, à respectivement 24 % et 20 %. Un jeune sur 10 est obèse, et cela deviendra 1 sur 5 ! Et c’est pire à l’échelle de notre pays. L’OMS estime qu’en 2035, un Belge adulte sur 3 sera obèse. Certes, c’est moins qu’aux États-Unis (58 % !) mais quatre fois plus qu’au Japon.

Surpoids et obésité sont impliqués dans un décès sur 8

Dans la zone européenne, surpoids et obésité sont impliqués dans un décès sur 8. Et, ici, il n’y a pas de faute de frappe ! Diabètes de type 2, maladies respiratoires chroniques, cancers, voilà les effets directs de l’obésité ! Et souvenons-nous des facteurs de comorbidité de la Covid. Nous devrions faire de ce thème un enjeu prioritaire mais, à l’opposé de la santé des proches qui nous préoccupe, la santé publique est largement ignorée. Nous l’avons déjà écrit à propos de l’énergie fossile : les considérations de santé publique auraient dû largement suffire pour nous faire réduire notre consommation de charbon, de gaz et de pétrole, mais, malheureusement, ce n’est que quand nous sommes “pris par les prix”, au portefeuille, que nous changeons de comportement. En irait-il pour l’obésité comme pour l’énergie fossile ? Pour que les choses bougent, il ne suffirait pas que cela nuise à la santé, il faudrait que cela nuise au PIB et au pouvoir d’achat. C’est ce que l’OMS a dû se dire puisque, dans l’édition 2023 de son Atlas, elle met l’accent sur le coût économique du surpoids. Et il est astronomique. Pour la Belgique, en se limitant aux coûts en termes de soins de santé et de moindre productivité du travail, il est estimé à pas moins de 2 % du PIB national. Et il y aurait lieu d’élargir la mesure, en particulier d’y ajouter l’incidence environnementale de la malbouffe. Sans cette déperdition, financer la transition deviendrait facile !

Réguler l’industrie de l’alimentation et des boissons

L’obésité a des causes multiples, notamment à trouver dans la génétique, l’environnement et les conditions psycho-socio-économiques. L’action politique doit en tenir compte, mais elle est ici plus facile qu’en matière d’environnement car avec moins d’interdépendances internationales. Ce qu’il y a lieu de faire, ce n’est évidemment pas de stigmatiser les personnes concernées. Que faire ? L’OMS met en avant trois axes. Le premier est celui de la prévention, avec un accent mis sur une alimentation de qualité. Ici, une mesure saute aux yeux : que dans nos écoles, un repas chaud de qualité soit gratuitement servi 4 jours par semaine. À la très grosse louche, cela ne coûterait que 1,5 milliard d’euros (150 repas par an pour 2 millions de jeunes à un prix de revient de 5 euros), soit une fraction de ce que coûte à la collectivité l’obésité ou les subventions aux énergies fossiles. Le deuxième axe est la régulation de l’industrie de l’alimentation et des boissons : accises additionnelles en fonction de la qualité nutritive, étiquetage clair de celle-ci et encadrement strict de la publicité. Le troisième axe, celui qu’affectionnent les vendeurs de soda car il détourne l’attention du point précédent, est enfin la promotion de l’activité physique.

Pour lutter contre l’obésité, il est temps de se mettre à table !

1 etienne.decallatay@orcadia.eu

2 Disponible en ligne, voir https://data.worldobesity.org/publications/WOF-Obesity-Atlas-V5.pdf

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