Alerte rouge sur le dollar

Jacques Attali ou encore Bruno Colmant prophétisent un crash du dollar. Tout le système économique mondial chuterait. Le dieu argent, premier terrorisme ?

Ce lundi matin, le rouble s'effondrait face au dollar et à l'euro à la Bourse de Moscou.
Le dollar est la devise de 60 % des échanges internationaux. ©Shutterstock

Une chronique d’Eric de Beukelaer (1)

L’hégémonie du dollar, comme monnaie-étalon des échanges économiques mondiaux, est-elle menacée ? L’économiste français Jacques Attali l’annonce sur son blog, prophétisant une crise financière majeure au cours de la seconde moitié du mois d’août de l’année : “La situation mondiale ne tient aujourd’hui que par la force du dollar, lui-même légitimé par la puissance économique, militaire et politique des États-Unis, qui restent le premier refuge des capitaux du monde. Or ils sont aujourd’hui menacés par une très grave crise budgétaire, financière, climatique et politique : la dette publique américaine atteint 120 % du PIB […] La dette privée n’est pas dans un meilleur état : elle atteint 16 900 milliards de dollars soit 2 750 milliards de plus qu’avant la crise du Covid-19 ; soit 58 000 dollars par adulte américain ; ou encore 89 % du revenu disponible des ménages américains. […] Système intenable. 13 % de ces emprunts sont déjà en défaut et ce ratio augmente tous les jours ; de plus, la remontée des taux va augmenter la pression sur ces emprunteurs pauvres… “L’économiste belge Bruno Colmant, semble lui emboîter le pas sur son propre blog : “Le principal risque est la déliquescence brutale du rôle du dollar dans l’économie mondiale. Le dollar est la devise de 60 % des échanges internationaux, […] Des initiatives d’union monétaire entre la Chine, la Russie et d’autres pays pourraient aboutir, si les États-Unis perdent leur suprématie militaire. Si le privilège du dollar s’érode, le système monétaire pourrait s’effondrer, entraînant une implosion monétaire et sociale systémique et une inflation mondiale incontrôlée. Les unions monétaires, dont l’euro, seraient fragilisées et les faillites bancaires s’enchaîneraient.”

OK tant que les States dominent le monde

De telles prédictions ne sont pas infaillibles, mais leurs prémices sont indiscutables : l’argent étant l’étalon de valeur des échanges économiques, sa crédibilité est garantie par la confiance en la puissance du prince qui “bat la monnaie”. Et notre finance est l’héritière des accords de Bretton Woods (1944), réorganisant économiquement le monde après la guerre. L’économiste britannique Keynes (1883-1946) y plaida pour une unité de réserve non nationale, le “bancor”, comme monnaie pour les échanges internationaux. Les Américains lui opposèrent le dollar et l’emportèrent. Ici intervient le “dilemme”, émis par l’économiste belge Robert Triffin (1911-1993). Pour alimenter l’économie internationale en dollar et ainsi permettre la circulation de l’étalon d’échange, les États-Unis doivent structurellement avoir une balance économique déficitaire et donc vivre à crédit du restant du monde. Pareille rente de situation n’est acceptable par les autres nations, que tant que les States dominent le monde. Or, les récents rapprochements politiques, mais aussi monétaires, entre Chine, Russie, Brésil et les autres BRICS remettent pareille hégémonie en cause. Une fragilisation généralisée du système bancaire américain, suite à l’explosion de sa dette nationale, pourrait dès lors causer l’écroulement de l’étalon-dollar, entraînant tout le système économique mondial dans sa chute.

Une économie moins prédatrice

Le pire n’est fort heureusement pas certain. La première victime collatérale d’un crash du dollar serait en effet la Chine, le grand rival de l’Oncle Sam étant aussi son principal banquier. De plus, les États-Unis ont une résilience héroïque à surmonter les crises et défendre la démocratie de par le monde, autant que leurs propres intérêts. À terme cependant, le dollar devrait être remplacé par une monnaie non nationale pour réguler les échanges internationaux, comme Keynes le suggérait. Et surtout, l’économie prédatrice de la planète devra faire place à un système plus digne de l’humain. “Au centre de l’économie mondiale, il y a le dieu argent et non la personne. Voilà le premier terrorisme” (Pape François, 1/08/2016).

Blog de l'auteur: https://ericdebeukelaer.be/

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