Un accord sur la migration, c’est déjà ça
Un édito de Maria Udrescu.
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- Publié le 10-06-2023 à 07h09
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Enfin. Après huit ans de débats houleux et de mesures chaotiques qui ont fait le lit de l’extrême droite, les États membres de l’UE ont trouvé un accord pour gérer, ensemble, la migration. L’Union européenne n’a pas encore de politique d’asile propre. Les négociations avec le Parlement européen à ce sujet seront dures. Mais le Pacte sur l’asile et la migration pourrait bien être adopté juste avant les européennes de 2024. C’est au niveau des Vingt-sept que le clivage était le plus profond, depuis la crise de l’asile de 2015. Chargés de gérer les frontières de l’Union et donc les demandeurs d’asile, les États en première ligne des flux migratoires (Italie, Grèce, Malte, Chypre…) se sont sentis démunis, cherchant donc à s’affranchir de leurs devoirs. Les pays d’Europe orientale ont refusé de relocaliser des réfugiés sur leur sol, assumant une ligne xénophobe inaudibles dans une Union des droits de l’homme. Si à l’Ouest on se veut plus solidaire, cette volonté varie selon les vents politiques et la pression des mouvements secondaires des migrants, qui poursuivent leur route vers des pays comme l’Allemagne ou la Belgique. Les premières victimes de cette débâcle sont les demandeurs d’asile eux-mêmes, tantôt laissés à la rue ou entassés dans des camps insalubres, tantôt maltraités ou refoulés aux frontières. Une honte européenne.
L’accord trouvé jeudi fixe l’équilibre entre la solidarité et la responsabilité de chacun face au défi migratoire. Une avancée majeure. Mais à quel prix ? La répartition équitable des migrants dans l’UE se fera sur base volontaire. Certains pays, surtout la Pologne et la Hongrie, ne joueront pas le jeu, s’indignant même de devoir payer 20 000 euros par migrant qu’ils refuseront de relocaliser, comme le prévoit le compromis. Qu’en sera-t-il des autres États en cas de séismes politiques nationaux ? Les pays du Sud ne sont pas très rassurés par cette solidarité "flexible"… Si le compromis a convaincu l’Italie et une majorité d’États membres, c’est parce qu’il consacre l’Europe forteresse, recyclant l’idée du "tri" des migrants (selon les chances d’obtenir l’asile) aux frontières de l’UE. Quitte à les enfermer. Et à vite les renvoyer dans le plus de pays tiers possible, sans toujours savoir si leurs droits y seront respectés. Avoir une politique migratoire commune ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle soit appliquée dans le respect des valeurs européennes. C’est à ça que se mesurera le véritable succès de l’Union face à la migration.