La justice, dans un état de droit
Un édito de Xavier Ducarme
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- Publié le 15-09-2023 à 00h00
- Mis à jour le 15-09-2023 à 00h01
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Trente-cinq vies. Le 22 mars 2016, ce sont 35 vies qui ont été fauchées et des centaines d’autres blessées dans leur chair et leur âme, toutes frappées au hasard, à l’aveugle, à l’aéroport de Zaventem et, dans la station de métro Maelbeek, au cœur de la capitale. Des actes barbares, fanatiques, perpétrés au nom d’une idéologie dévoyée. Belges ou étrangers, issus de tous les continents, la plupart se rendaient à leur travail ou s’apprêtaient à prendre l’avion. Leur seule faute était d’être présents au mauvais endroit, au mauvais moment.
Face à une telle barbarie, une telle cruauté, nombreux sont les pays dans le monde qui auraient privilégié une réponse expéditive, sommaire, guidée par un sentiment de vengeance. Ou, comme on a pu le voir après le 11 septembre, le recours à la force, aux prisons militaires, aux “interrogatoires poussés”, aux procès d’exception, souvent en marge de la loi.
La Belgique, à l’instar de la France après les attentats du 13 novembre à Paris, a choisi une autre voie, celle de la justice ordinaire, celle d’un Etat de droit. La voie du temps long, de l’explication, de la résilience.
Ce n’était pas gagné d’avance. L’ampleur du dossier, sa complexité, l’écheveau du contexte géopolitique, tout cela semblait bien lourd pour un jury d’assises composé de simples citoyens peu rompus aux subtilités de la procédure pénale. Et puis, se demandait-on, résisteraient-ils aux pressions voire aux menaces ? Auraient-ils la persévérance pour aller jusqu’au bout ? Les débuts du procès, perturbés par la malfaçon du box des accusés et les maladresses de la fouille au corps laissaient même un moment craindre le fiasco.
Mais, aujourd’hui, 10 mois d’audience plus tard, les plus dubitatifs reconnaissent l’aboutissement positif du procès. L’implication et l’engagement du jury et des magistrats sont unanimement salués. Les victimes ont pu partager en toute liberté, face à leurs bourreaux, leurs indicibles souffrances et les ravages immuables de leurs traumatismes. Une forme de contrition semble même avoir été détectée chez certains accusés.
Le procès est aujourd’hui définitivement terminé. Justice a été rendue. Sereinement. Dignement. Le pays, meurtri, peut désormais, non pas oublier, mais achever son travail de deuil. C’est aussi à cela que sert la justice.