Drames en Méditerranée: chronique de naufrages annoncés
Il y a gros à parier que l’annonce, ce lundi, des deux nouveaux drames survenus au large de la Méditerranée relancera l’habituel bal des déclarations compassées dans de nombreuses capitales européennes. Une chronique de la rédaction signée Gilles Toussaint.
- Publié le 15-09-2014 à 20h50
- Mis à jour le 16-09-2014 à 17h11
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Il y a gros à parier que l’annonce, ce lundi, des deux nouveaux drames survenus au large de la Méditerranée (lire ici et ici) relancera l’habituel bal des déclarations compassées dans de nombreuses capitales européennes.
Les dirigeants de l’Union, pourtant, n’ont pas l’excuse de la surprise car, passée l’émotion de circonstance, rien n’a vraiment changé depuis le naufrage qui a causé la mort de près de 400 migrants à l’automne dernier, non loin des côtes de Lampedusa. L’Europe a poursuivi - et renforcé - sa politique des portes closes, tout en l’habillant de quelques considérations humanitaires.
Avec quels résultats ? Selon les estimations de l’Organisation internationale des migrations, le flot des personnes qui tentent vaille que vaille de gagner le territoire européen a explosé depuis le début de cette année. A la fin du mois d’août, ils étaient quelque 108 000 migrants à avoir atteint l’Italie, soit près de trois fois plus que l’an dernier à la même époque. Dans le même temps, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés estime à près de 1 900 le nombre de migrants qui ont péri en Méditerranée entre janvier et août. Sans oublier ceux qui échappent, sans doute quotidiennement, aux mailles du filet des statistiques. Sans oublier ceux qui vont s’entailler les chairs sur le rempart de barbelés érigé autour de l’enclave espagnole de Melilla…
Depuis 20 ans, l’Union européenne n’a fait que miser sur le sécuritaire et le renforcement de ses frontières extérieures. En vain. Aucun mur, aussi haut soit-il, aucun dispositif technologique, aussi sophistiqué soit-il, n’empêchera des gens - des familles, des enfants… - poussés par la guerre ou la misère de se chercher un avenir meilleur. Quitte à prendre toujours plus de risques, au plus grand bénéfice des mafias de passeurs.
Face à ce constat d’échec, il est urgent pour l’Europe de revoir sa stratégie et d’opter enfin pour une vision raisonnée à long terme, basée sur la solidarité et l’intégration. Il en va aussi, faut-il le rappeler, de l’intérêt économique d’un continent vieillissant.
Jean-Claude Juncker semble l’avoir compris en nommant un commissaire, grec qui plus est, spécialement en charge des questions migratoires. Aux dirigeants des Etats membres, à présent, de regarder la réalité en face et de ne pas se laisser tétaniser par les incantations mortifères du populisme ambiant.