Commercialisation du glyphosate: le principe de l'illusion
Faut-il renouveler pour 15 ans l’autorisation de commercialisation du glyphosate en Europe? Cette question animera lundi et mardi prochains les discussions des experts des Etats membres et de la Commission européenne. Une chronique de la rédaction signée Gilles Toussaint.
- Publié le 03-03-2016 à 11h19
- Mis à jour le 03-03-2016 à 11h24
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Faut-il renouveler pour 15 ans l’autorisation de commercialisation du glyphosate en Europe ? Cette question animera lundi et mardi prochains les discussions des experts des Etats membres et de la Commission européenne. Une décision lourde d’enjeux économiques - il s’agit de la substance active du "légendaire" Roundup, l’herbicide le plus utilisé au monde - et sanitaires - le produit fait partie des "most wanted" suspects en raison des risques qu’il présente pour la santé humaine.
Et c’est ici qu’un profond malaise s’installe. En mars dernier, le glyphosate a en effet été classé comme "cancérogène probable" par l’Organisation mondiale de la santé, suite à une évaluation réalisée par Centre international de recherche sur le cancer (Circ).
Mais, contre toute attente, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a rendu quelques mois plus tard un avis dans lequel celle-ci estime pour sa part improbable que "le glyphosate soit génotoxique (susceptible d’affecter l’ADN) ou qu’il constitue une menace cancérogène pour l’homme". Pour ce faire, l’agence s’est basée sur l’expertise des organes d’évaluation des risques des Etats membres. Tous, à l’exception des représentants de la Suède, ont donc conclu à l’innocuité de ce produit. Ce qui a amené l’Efsa à rendre un avis favorable au renouvellement de la licence, tout en assortissant pour la première fois ce feu vert d’un seuil limite d’exposition. Sait-on jamais…
Pour expliquer cette divergence de vues, l’agence avance notamment avoir pris en considération certaines études non évaluées par le Circ. De fait, celles-ci émanent des industriels et sont protégées par "le secret d’affaires", ce qui les rend non reproductibles - à rebours des principes de l’évaluation scientifique -, ont dénoncé mercredi les eurodéputé(e)s Michèle Rivasi (écologiste), Frédérique Ries (libérale) et Gilles Pargneaux (socialiste), qui pointent d’autres lacunes dans le travail mené par l’Efsa et l’absence de transparence autour de certains experts y ayant pris part.
La polémique est d’ailleurs loin d’être éteinte entre les deux organes d’évaluation, donnant lieu à un échange de courriers musclés entre leurs responsables respectifs. Dans ces conditions, on voit mal comment l’autorisation du glyphosate pourrait être renouvelée tant que ce litige n’a pas été tranché. Sans quoi, le principe de précaution ne sera rien d’autre qu’un principe de l’illusion.