Geen commentaar: les Flamands de Bruxelles, champions de l’innovation sociale
Publié le 06-11-2016 à 15h33
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Une chronique de Vincent Rocour.
Est-ce parce qu’ils sont deux fois minorisés dans le fédéralisme gigogne à la Belge - par rapport aux Flamands de Flandre d’une part, par rapport aux Bruxellois francophones de l’autre ? Est-ce parce qu’ils sont comme emprisonnés dans une loyauté schizophrénique - loyauté à l’égard de la Flandre institutionnelle et loyauté à l’égard de la Région bruxelloise ? Est-ce parce qu’ils doivent parfois faire face à un double mépris - celui de Flamands qui les voudraient plus nationalistes et celui de Bruxellois francophones qui les soupçonnent de former une cinquième colonne au service de la nation flamande ?
Toujours est-il que les Flamands de Bruxelles - ou les Bruxellois flamands - sont passés maîtres dans l’expérimentation sociale. Faut-il encore vanter la réussite d’institutions comme le Koninklijke Vlaamse Schouwburg, l’Ancienne Belgique ou le Beurschouwburg qui ont pu s’imposer auprès d’un public peu ou nullement lié à la culture flamande ? Faut-il rappeler l’immense succès de l’enseignement flamand à Bruxelles, qui scolarise un enfant de la capitale sur cinq alors que le néerlandais n’y est parlé que dans moins d’un foyer bruxellois sur dix ?
Ces succès (parmi d’autres), les Bruxellois néerlandophones le doivent beaucoup à leur faculté à braver les interdits identitaires qui figent la Belgique dans une curieuse guerre des tranchées. Une faculté qu’ils utilisent sans ménagement pour faire bouger les lignes. Inlassablement. Coup sur coup, ils viennent d’en apporter deux belles illustrations.
Des cours d’arabe
Il y a une quinzaine de jours, l’enseignement bruxellois dépendant de la Communauté flamande a lancé un cours d’arabe (4 heures par semaine) à l’intention des élèves de 6 à 18 ans du réseau. Ce cours est donné en dehors du programme scolaire sous la houlette d’un universitaire d’origine syrienne cornaqué par la VUB.
L’objectif avoué est de donner aux jeunes issus de l’immigration l’occasion de se familiariser avec leur culture linguistique sans passer par les écoles coraniques plus ou moins reconnues voire clandestines. "Nous offrons des leçons d’arabe dans un contexte sécularisé, indépendant de la religion", se félicite Jacky Joris, le directeur de "Scholengroep Brussel".
Il n’est évidemment pas sûr que cette initiative pourra freiner le mouvement de radicalisation qui semble toucher une partie de la jeunesse bruxelloise. L’ancien directeur du Centre pour l’égalité des chances Johan Leman pense même que cela ne résoudra rien car "de tels cours ne toucheront qu’une classe sociale élevée". Mais au moins, une initiative est prise. Elle touche déjà une centaine d’élèves.
L’école des ados
Le réseau catholique n’est pas en reste. Il y a une semaine, il a annoncé la naissance prochaine - en 2018 et 2019 - de deux écoles, l’une à Anderlecht et l’autre à Schaerbeek, réservées aux élèves de 10 à 14 ans. Ces écoles ont déjà un nom : la "tienerschool" ou école de l’adolescent. Le concept a été importé des Pays-Bas. Il part du constat que le passage de l’école primaire à l’école secondaire constitue souvent une véritable épreuve pour le jeune : changement dans la façon d’enseigner; passage brutal vers l’abstraction; éloignement des amis; et, pour un certain nombre d’élèves fréquentant ces écoles-là, une connaissance trop approximative du néerlandais. Pour couronner le tout, ce passage abrupt se fait au moment même où la puberté frappe le plus durement les consciences adolescentes.
La "tienerschool" entend donc assurer une transition plus douce vers l’âge adulte. Elle bannira par exemple les examens tels qu’on les connaît aujourd’hui dès la première secondaire pour leur préférer des évaluations plus réflexives mais plus permanentes.
Elle révolutionne forcément le séquençage scolaire. Elle abolit la subdivision du parcours scolaire en deux fois 6 années - l’école primaire puis l’école secondaire. A la place, elle instaure trois séquences de 4 années chacune.
Ce modèle, comme le prétend un de ses promoteurs, deviendra-t-il la norme dans vingt ans ? On n’oserait l’affirmer. Mais au moins, là encore, quelque chose est tenté pour contrer ce qui semble une fatalité : l’échec et le décrochage scolaires - endémiques à Bruxelles.