Allons-nous revivre les années folles au sortir du Covid?
Certains affirment que les années vingt sont souvent bénéfiques. Au XXe siècle, ce furent les années folles. Et si nous les revivions, à notre manière, au sortir du Covid ?
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Publié le 06-02-2022 à 12h55 - Mis à jour le 06-02-2022 à 12h56
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Une chronique de Francis Van de Woestyne
Nous sommes fin avril 2025. Il flotte dans l’air comme un parfum de liberté retrouvée, une insouciance que certains croyaient à jamais perdue, une envie de vivre après des années de désespoir.
La pandémie, née en 2019, a mis six ans à s’éteindre, progressivement. Elle n’a pas disparu, mais les gens ont appris à vivre avec le virus et les multiples variants apparus les uns après les autres. Epsilon, Zêta, Êta, Thêta, Iota, Kappa, Lambda, Mu, Nu ont succédé à leurs aînés, Delta et Omicron. De temps à autre, les masques de protection font leur réapparition sur toutes les bouches quand un variant, qui se croit plus malin, développe une agressivité particulière. Mais en vain. Un vaccin annuel gratuit est proposé à l’ensemble de la population, obligatoire pour les plus de cinquante ans. Les États ont enfin investi massivement dans les systèmes de soins de santé, les professions médicales ont été revalorisées, les hôpitaux refinancés. La pax medica est assurée par un système tarabiscoté dont seule la Belgique a le secret. Mais il tient bon.
Six millions de morts
Le virus qui a tué plus de six millions de personnes. Il y a cent ans, 50 millions d’hommes, de femmes, d’enfants avaient été fauchés par la grippe espagnole. Mais à présent, tous les pays sont désormais mieux armés. Car le programme Covax a contraint les riches à offrir des milliards de vaccins aux pays qui ne pouvaient les acheter. La situation médicale mais aussi sociale s’est grandement améliorée en Afrique. Certains pays connaissent un essor économique sans précédent. Les jeunes hésitent à quitter leur pays pour une hypothétique terre promise. Car fondamentalement, ils veulent vivre où ils sont nés, pourvu que ce soit en paix et qu’ils bénéficient des opportunités de travailler et s’épanouir.
Les antivax se font encore entendre mais l’immunité collective a réduit les tensions entre ceux qui s’étaient vivement opposés en 2021 et 2022. Le monde a changé en quelques années. On ne parle plus de l’ensauvagement de la société, comme au début des années 20. C’est l’apaisement qui domine. La transformation s’est faite grâce à quelques philosophes et gens de bien, lassés de l’agressivité des réseaux sociaux. La tendance n’est plus au wokisme, à la cancel culture, au déboulonnage des statues, à la séparation des hommes, des femmes, au racisme, à la misogynie ordinaire mais à l’union, au respect. On glorifie les différences pour mieux les accepter. La protection de l’environnement n’est plus une question politique mais une évidence. Un fait acquis.
Le paradis?
Ce n’est pas le paradis. Mais on mesure désormais la qualité d’un pays au bonheur de ses habitants. Les partis politiques ont enfin compris que l’essentiel ne réside pas dans les petits jeux politiques, les guerres d’ego entre présidents de partis. Les citoyens ont été amenés à dresser des priorités qui s’imposent aux gouvernants : l’éducation a été plébiscitée. Très loin devant. Puis la justice, le pouvoir d’achat, l’environnement, la mobilité. La Wallonie s’est retroussé les manches et est devenue le nouvel Eldorado. Les licornes, ces entreprises technologiques dont la valorisation atteint au moins un milliard de dollars, se multiplient. Les sociétés de pointe s’y sont installées en masse car la Flandre avait fait le plein. Du coup, les thèses séparatistes sont devenues ringardes.
Certains observateurs affirment que les années 20 sont souvent bénéfiques. Au XXe siècle, ce furent les années folles après la Première Guerre mondiale. La fête était le mot d’ordre. La frénésie culturelle et sociale était sans limite. Cent ans plus tard, en 2025, la nostalgie chic et heureuse est devenue le concept à la mode. On cultive les trésors du passé en inventant un avenir radieux. Les progrès technologiques sont arrivés plus vite qu’on ne le croyait. Les avions électriques décollent en silence, il n’est plus indécent de s’envoler pour un week-end à Marrakech. Bruxelles connaît toujours des embouteillages… mais de vélos.
Il y a cent ans, ces années folles se fracassèrent en 1929. Tous les économistes sont d’accord : il n’y aura pas de krach boursier en 2029. Car la folie d’alors a fait place à un immense besoin de ressourcement, de calme, de bien-être personnel. La richesse est surtout intérieure. La recherche de l’équilibre est un besoin, une envie, une nécessité.
Naïveté ? Sans doute. Illusions. Oui bien sûr. Utopie ? Assurément. Et alors ? Soyons fous.