Diplo pour les nuls : Quand l’Asean fait la leçon à la Birmanie
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- Publié le 27-10-2021 à 19h30
- Mis à jour le 27-10-2021 à 19h36
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L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) a convoqué cette semaine, à Bandar Seri Begawan, dans le sultanat de Brunei, ses 38e et 39e sommets annuels. Cette double édition, pour rattraper le temps perdu à cause de l’épidémie de Covid-19, n’est pas la seule singularité du millésime 2021. Pour la première fois depuis la fondation de l’organisation en 1967, un des dix États membres a été tenu à l’écart : la Birmanie.
La réunion avait beau n’être que virtuelle, l’affront a été durement ressenti à Naypyidaw, la nouvelle capitale du pays, créée au milieu de nulle part par les militaires. C’est précisément le chef de la junte qui a pris le pouvoir le 1er février dernier, Min Aung Hlaing, qui s’est retrouvé sur la liste noire de l’Asean. L’Association ne voulant pas du général putschiste, une invitation avait été lancée au directeur général du ministère birman des Affaires étrangères (la ministre, Aung San Suu Kyi, est en prison…). L’idée d’une représentation au rabais n’a pas eu l’heur de plaire et les choses en sont restées là.
Si la Birmanie n’est pas exclue de l’Asean (ses généraux s’empressent au demeurant de souligner que ce sont eux qui ont boycotté le sommet), la mesure d’éloignement dont elle a fait l’objet est sans précédent, et elle ne manque pas d’étonner de la part d’une organisation qui s’était toujours montrée on ne peut plus timorée sur le chapitre de l’état de droit. Et pour cause : la règle, au sein de l’Asean, ce sont plutôt les coups d’État et les révolutions plus ou moins populaires, l’autoritarisme et l’arbitraire, la démocratie de circonstance ou de façade. Tout récemment encore, c’est à une journaliste des Philippines (l’un des pays membres) que le prix Nobel de la paix a été décerné pour saluer son courage face aux exactions des autorités.
Dans ces conditions, on trouvera savoureuse la leçon qu’a cru bon de donner aux dirigeants birmans le Premier ministre cambodgien, Hun Sen. Qu’un ancien cadre khmer rouge, qui a tenu son pays d’une main de fer de façon quasi ininterrompue depuis 1985, en vienne à sermonner les militaires sur la répression de l’opposition, voilà qui ferait pleurer de rire s’il ne s’agissait de la liberté, voire de la vie, de milliers de personnes.
Au moins se réjouira-t-on sincèrement de voir l'Asean conclure son kilométrique communiqué final (102 articles !) par un appel au " retour à la normale " en Birmanie, " conformément au souhait de la population ". Les signataires vont jusqu'à déclarer que le principe de non-ingérence ne signifie pas qu'on puisse laisser aux États membres le loisir de s'asseoir sur leur Constitution, la légalité ou la bonne gouvernance. Voilà une profession de foi formulée par des orfèvres : elle pourra être utilement ressortie quand l'actualité l'exigera.