Diplo pour les nuls: le realcynisme de Manfred Weber
Une diplomatie pour les nuls signée Maria Udrescu
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- Publié le 30-08-2023 à 20h57
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Décidément, Manfred Weber, le chef du groupe du Parti populaire européen (PPE), n'aime pas qu'on tergiverse sur des "détails" quand il s'agit de durcir la politique migratoire de l'Union européenne. Cité par le site d'information Politico mercredi, l'Allemand, en voyage à Tunis, a pesté contre les "moralisateurs" qui disent que "nous ne pouvons pas parler à la Tunisie, qu'elle n'est pas un partenaire pour nous, parce qu'il y a des vidéos du désert ou quelque chose du genre". Pour clarifier, ce "quelque chose du genre", ce sont les images de centaines d'exilés d'Afrique subsaharienne qui ont été abandonnés par la Tunisie - nouveau "chouchou" de l'UE pour freiner les flux migratoires - à la frontière avec la Libye. Ce "quelque chose du genre", c'est cette photo des corps enlacés de Fati et de sa fille Marie, 6 ans, retrouvées mortes de soif, en juillet, en plein désert. En effet, la Tunisie a mené cet été une campagne massive pour arrêter et expulser des migrants vers des zones désertiques en territoire libyen, sans eau, ni nourriture, ni abri. Certains ont été retrouvés et secourus par les garde-frontières libyens, transformés ainsi en "sauveurs" par les Tunisiens - un comble, quand on connaît la réputation de la Libye, surnommée l'enfer des migrants. D'autres personnes ont laissé leur vie dans le désert. Au moins 27 individus y sont décédés.
Mais bon, voilà, pas de quoi en faire tout un foin non plus, estime M. Weber. Qu'importe aussi si le président tunisien, Kaïs Saïed, a sombré dans l'autoritarisme, incarcéré des voix de l'opposition, fait changer la Constitution pour s'arroger plus de pouvoirs et multiplié les discours racistes. Pour le chef du PPE, toutes ces inquiétudes, c'est pour les nuls de la realpolitik - ou plutôt des défenseurs des droits de l'homme et des valeurs européennes, c'est selon…
Alors rassurez-vous, M. Weber a bien rappelé à Kaïs Saïed que "l'état de droit est fondamental". Mais ce qu'il lui a surtout exigé, lors de leur rencontre, ce sont "des résultats". "Nous parlons ici de beaucoup d'argent des contribuables européens et les chiffres doivent baisser", a-t-il expliqué à Politico. Traduction : si l'UE a promis plus d'un milliard d'euros d'aides à la Tunisie, c'est bien pour ne plus voir un seul individu - ou le moins possible - quitter les rives tunisiennes vers l'Europe. Capisce ?
Il faut comprendre un peu M. Weber. Le sujet de la migration lui tient fort à cœur, serait-ce parce que l'extrême droite en a fait un cheval de bataille, puisant ainsi dans le vivier des électeurs des partis conservateurs de bien des pays européens. Assez ! À l'approche des élections européennes de juin 2024, le PPE tient à montrer que, lui aussi, il prend la lutte contre la migration irrégulière au "sérieux" et peut adopter une rhétorique sévère. Attention, cela dit, à ne pas mélanger les deux camps. Il y a celui de l'extrême droite, qui a besoin de la migration "pour effrayer les gens", et celui du PPE qui "est orienté résultats", a précisé M. Weber. Heureusement, sans quoi on risquait de s'y perdre.