Edito: de la connivence à la méfiance
La colère de Frédéric Cauderlier, le porte-parole du Premier ministre, contre un journaliste de la RTBF a enflammé la Toile. A lire certains commentaires, la Belgique s’inspirerait des méthodes musclées du Président turc, lequel bâillonne, emprisonne les journalistes qui le critiquent… Un édito de Francis Van de Woestyne.
Publié le 12-10-2015 à 20h54 - Mis à jour le 13-10-2015 à 06h31
Un édito de Francis Van de Woestyne.
La colère de Frédéric Cauderlier, le porte-parole du Premier ministre, contre un journaliste de la RTBF a enflammé la Toile (plus d'infos à ce sujet en cliquant ici). A lire certains commentaires, la Belgique s’inspirerait des méthodes musclées du Président turc, lequel bâillonne, emprisonne les journalistes qui le critiquent… Restons calmes.
Le développement fulgurant des médias sociaux et numériques oblige les hommes politiques à avoir une idée géniale par jour. S’ils en ont une par an, c’est déjà très bien… Ils se sont donc entourés de communicants professionnels, des gens dont le métier est de donner de leur patron(ne) une image dynamique, intelligente, proche des "gens". Les relations politiques-journalistes sont devenues moins naturelles, moins spontanées. Les interviews sont "négociées" : il faut une, voire plusieurs belles photos, une présence en "Une", etc.
En même temps, les techniques journalistiques ont évolué. Pressés par certaines hiérarchies d’obtenir des "informations", des "coulisses", des "révélations" coûte que coûte, des journalistes brisent les codes et les tabous. Certains baladent leurs micros et caméras cachées partout. Le "off" n’existe plus ou alors il ne tient que quelques heures. Ne reste, comme le dit Franz-Olivier Giesbert, que le "deep underground", ces confidences tenues à jamais.
Oui le journalisme a évolué. Il est passé de la connivence à la méfiance. Mais s’il est devenu plus agressif, à l’excès parfois, ce n’est pas parce qu’il a pour objectif de fouiller les poubelles du pouvoir ou de violer le secret des chambres à coucher. C’est une manière de contrer les discours officiels de plus en plus préformatés et de briser les exigences parfois loufoques des "experts" qui voudraient tout contrôler. Sans tomber dans la paranoïa, une certaine vigilance s’impose.