Edito: le virus hongrois peut être mortel pour l’Union
Un édito d'Olivier le Bussy Ce qui se produit en Hongrie semble être tout droit sorti du Petit manuel du dictateur. Le Premier ministre Viktor Orbán prend prétexte de la menace, réelle, que représente l’épidémie de Covid-19 pour y apporter une réponse disproportionnée qui cible davantage l’état de droit que le coronavirus.
Publié le 31-03-2020 à 06h05 - Mis à jour le 31-03-2020 à 10h45
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Un édito d'Olivier le Bussy
Ce qui se produit en Hongrie semble être tout droit sorti du Petit manuel du dictateur. Le Premier ministre Viktor Orbán prend prétexte de la menace, réelle, que représente l’épidémie de Covid-19 pour y apporter une réponse disproportionnée qui cible davantage l’état de droit que le coronavirus.
La Hongrie n’est certes pas le seul pays de l’Union européenne où, dans les circonstances exceptionnelles que nous connaissons, le gouvernement s’est vu accorder des pouvoirs spéciaux. La singularité hongroise est que le Parlement, dominé par le parti national-conservateur Fidesz de M. Orbán, s’est de lui-même mis hors-jeu. Il a approuvé le renforcement des pouvoirs étendus dont jouit déjà le gouvernement sous l’état d’urgence et prolongé celui-ci pour une durée illimitée.
Viktor Orbán pourra gouverner par décrets et ordonnances. La diffusion de fake news sur la propagation du virus mais aussi sur l’action du gouvernement sera punie d’une peine de prison. Il ne faut pas faire un effort d’imagination démesuré pour envisager l’usage que pourrait faire un gouvernement autocratique de tels pouvoirs.
L’Union européenne se retrouve confrontée à une situation impensable il y a encore dix ans : l’apparition d’une dictature en son sein. Elle en porte partiellement la responsabilité. Habile, Viktor Orbán n’a pas attaqué la démocratie bille en tête dès son retour aux affaires, en 2010. Mais voilà une décennie qu’il mène un travail de sape pour consolider son pouvoir et mettre en œuvre son concept de "démocratie illibérale". Il a réduit méthodiquement à l’impuissance ou au silence les médias, la justice, l’opposition, les universités, la société civile…
Les réactions de l’Union sont longtemps restées trop timides - notamment parce que le Parti populaire européen, confédération des partis de droite et de centre-droit et famille politique du Fidesz, a fait preuve pendant des années d'une complaisance coupable à l'égard de M. Orban.
Quand elle a déclenché contre la Hongrie la procédure de l’article 7 du traité sur l'Union européenne, qui peut aboutir à la privation du droit de vote de Budapest, il était déjà trop tard, d’autant que "l’arme atomique" politico-juridique qu'est censé être cette procédure se révèle être un pétard mouillé.
Les valeurs démocratiques et l’état de droit sont les bases sur lesquelles se construit le projet européen. Que l’un des pays participants s’en affranchisse et l’édifice s’en trouvera fragilisé comme jamais. La Hongrie est le "patient zéro" de l'apparition de la dictature au sein de l'Union. Soit les institutions européennes et tous les États membres réagissent vite, et fort, sur ce qui se passe en Hongrie, soit ce projet aura perdu toute crédibilité et sa raison d’être. Sa disparition ne serait alors plus qu’une question de temps.