Edito : un accord post-Brexit perdant-perdant
Un édito d'Olivier le Bussy.
- Publié le 26-12-2020 à 07h01
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Photographié assis à côté d’un drapeau britannique, sourire jusqu’aux oreilles, pouces levés et cravate à motifs choisis (des poissons), le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a soigneusement mis en scène, sur les réseaux sociaux, l’annonce de la conclusion d’un accord sur la nouvelle relation qu’entretiendront l’Union européenne et le Royaume-Uni. Si le sentiment de soulagement était également de mise à Bruxelles, l’humeur n’y était ni au triomphe ni à la fanfaronnade. Tant la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, que le négociateur en chef de l’UE, Michel Barnier, ont souligné que la qualité principale de cet accord est avant tout qu’il permet d’éviter le pire : le chaos économique, juridique et administratif qu’aurait provoqué une rupture sèche entre l’Union et son ancien État membre, le 1er janvier, à l’issue de la période de transition post-Brexit.
En comparaison de la morosité européenne, paraissent bien enviables cet enthousiasme et cette certitude affichés par Boris Johnson que le Royaume-Uni, ses habitants et ses entreprises voient s’ouvrir un océan de nouvelles opportunités et que le Brexit décuple leurs capacités à les saisir. Sauf qu’on ne peut se défaire de l’impression que le refrain sur les bienfaits de la souveraineté, délivrée du "carcan" de "Bruxelles", sonne faux et qu’il est chanté à contretemps du rythme du monde. Quatre ans et demi après le référendum de 2016, lors duquel ils avaient voté, à 52 % contre 48 la sortie de leur pays de l’Union, les Britanniques vont découvrir les conséquences de leur choix. À court et moyen termes, le Brexit appauvrira (littéralement) le Royaume-Uni, qui, malgré l’accord conclu, verra se ralentir les échanges avec ce qui restera son principal partenaire commercial. Préférée à l’appartenance à un bloc-continent, la position du stand-alone le rendra plus vulnérable dans un contexte géopolitique mouvant et tendu. Il faudra peu de temps avant qu’apparaissent les limites de la "liberté" recouvrée. De leurs côtés, les Vingt-sept et les institutions européennes ne cherchent pas à maquiller la réalité en prétendant que la nouvelle donne sera meilleure que celle de départ : la sortie, bientôt achevée, du Royaume-Uni est pour l’Union un douloureux échec et une perte colossale sur les plans économique et géopolitique en particulier.
L’accord sur la nouvelle relation n’est qu’un pis-aller. Il couvre certes quantité de domaines, allant du commerce à la coopération judiciaire et policière en passant par les transports, l’énergie, la protection des données ou le climat. Sa dimension holistique ne doit cependant pas faire oublier qu’à la différence de tous les autres accords conclus par l’UE, qui la rapprochent de l’autre partie, ce texte de 1246 pages a, lui, pour objet de limiter les dégâts causés par le divorce. Qu’on le vende outre-Manche comme la huitième merveille du monde ne change pas ce qui est : il s’agit d’un accord "perdant-perdant".