Le Cambodge, dictature tranquille
Un édito de Philippe Paquet.
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- Publié le 15-02-2022 à 06h37
- Mis à jour le 15-02-2022 à 13h43
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À l’ombre des tyrannies sanglantes se cachent des dictatures, oserait-on dire, plus tranquilles, où la répression s’opère sans bruit de bottes ni éclat de voix, dans l’indifférence quasi générale. En Asie du Sud-Est, la Birmanie a ainsi réussi à occulter le Cambodge où, depuis 1985, Hun Sen, qui est devenu l’un des plus anciens chefs de gouvernement en exercice, a peu à peu fait le vide autour de lui, liquidant toute opposition et préparant son fils aîné à lui succéder, le moment venu.
Mercredi, le Premier ministre donnera un tour de vis supplémentaire. Aux termes d’une nouvelle loi, tout le trafic internet dans le Royaume devra transiter par un "portail national" unique, ce qui permettra aux autorités d’encore mieux censurer les contenus, de couper les connexions, de sanctionner les fournisseurs et de punir les utilisateurs. Rien n’échappera à leur vigilance : politique, économie, société, moralité, culture, coutumes et traditions…
Le Cambodge rejoint un nombre croissant de régimes autocratiques qui, de la Chine à la Russie, de la Turquie au Vietnam, entendent contrôler totalement la Toile. Hun Sen s’inspire de la "Grande Muraille" que ses mentors pékinois ont mise en place depuis vingt ans pour empêcher les Chinois de s’informer et de s’exprimer en dehors d’un espace médiatique cadenassé par le Parti communiste. Alors que ses partisans occupent tous les sièges à l’Assemblée, le potentat pourra envisager d’un cœur encore plus léger les législatives de juillet 2023.
Le gouvernement cambodgien se défend de vouloir porter atteinte aux libertés et justifie son initiative par des considérations de sécurité nationale (pour peu, on croirait entendre les dirigeants de Hong Kong…). D’aucuns estiment, toutefois, que le degré de surveillance ainsi instauré sera sans précédent depuis l’époque des Khmers rouges. Que la Chine serve une fois encore de modèle est cruellement ironique puisqu’elle fut déjà le principal allié du régime génocidaire de Pol Pot.