Gare au dégagisme !
Un édito de Dorian de Meeûs.
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- Publié le 09-04-2022 à 07h21
- Mis à jour le 09-04-2022 à 10h54
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Qu’attendre de ce dimanche et de cette fin de campagne électorale à la fois inquiétante, décevante et virulente ? Peu de candidats sont parvenus à émerger ou même à imprimer dans les esprits la moindre proposition forte. Tous les sondages l’affirment, le duel final de la présidentielle opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Ce scénario apparu il y a un an a résisté à tous les rebondissements de la campagne. Mais un sondage reste un sondage. Il ne remplacera jamais le jugement des urnes. L’abstention s’annonce forte, mais pas historique. Par contre, la surprise pourrait venir des indécis : jamais autant d’électeurs français se sont montrés aussi peu convaincus de leur choix à la veille du scrutin. Un doute persiste donc. D’autant que parmi les électeurs le sentiment anti-Macron s’est répandu et enraciné, lentement mais sûrement, dans les villes comme dans les campagnes. Au fil des crises, des décisions, des émeutes et des divisions, des détestations et des rancœurs ont émergé, à gauche comme à droite. Mais, même fatigués ou revanchards, que les électeurs français ne s’y trompent pas, la volonté de "dégager" le locataire de l’Élysée ne peut être la seule motivation, tant les alternatives proposées sont souvent radicalement opposées, angoissantes, populistes et incertaines. Emmanuel Macron n’a pas démérité face à la pandémie et à la guerre en Ukraine. Son bilan, dont il est de loin le meilleur défenseur, est en ligne avec son programme de 2017. Tout n’a pas été parfait, ni entièrement accompli, mais, en cinq ans, les acquis sont défendables et la gestion est honorable.
Il y a cinq ans, le candidat était déjà opposé à Marine Le Pen. Son bilan est dès lors immanquablement entaché par une réalité : en 2022, l’extrême droite pèse très lourd sur la politique nationale française. Malgré son assurance et ses promesses, Emmanuel Macron n’est pas parvenu à éradiquer cette inquiétante progression. Bien au contraire. Jamais le "vote utile", soit ce positionnement déterminé à la vue des derniers sondages, ne s’était déporté sur les partis extrémistes et souverainistes pour empêcher le favori de gagner. Cette fois, Mélenchon est considéré comme le seul à gauche pouvant barrer la route à Le Pen. Et cette dernière, comme la seule capable d’empêcher la réélection de Macron. Ce glissement de curseurs, qui délaisse les partis traditionnels et annonce des lendemains de fractures et de divisions, est aussi le fruit du macronisme et de son "en même temps" qui ratisse large au centre.
Ce dimanche, quel que soit l'ordre d'arrivée des candidats, nous assisterons donc au second épisode de l'éclatement et à la recomposition du paysage politique français. Après avoir fait exploser la gauche sociale-démocrate de l'intérieur, Emmanuel Macron dynamitera la droite. Les ralliements - déjà nombreux - d'anciens chiraquiens et sarkozystes vont s'intensifier dès 20 heures, dimanche. Très vite, le parti LR risque d'imploser sous les tensions de ses ailes libérale et nationaliste, laissant bien seuls celles et ceux qui voudront redresser la droite républicaine suite à cette campagne électorale désastreuse. Valérie Pécresse fait déjà désespérément penser à la marionnette de Chirac aux Guignols de l'info, victime de coups de couteau dans le dos. L'échéance des législatives accélérera ce processus de recomposition. Le risque pour Les Républicains, c'est de se retrouver comme les socialistes aujourd'hui, en miettes…
Dans l’entre-deux-tours qui se dessine, il faudra davantage que le "front républicain" pour réélire Emmanuel Macron. Après une courte et mauvaise campagne, l’homme devra ressouder les pots cassés et donner des gages aux citoyens qu’il a déçus ou blessés. Au-delà de la probable diabolisation de Marine Le Pen, qui n’a finalement pas vraiment changé sa ligne antieuropéenne et d’extrême droite, Macron devra rassurer les citoyens sur leurs craintes et sur les défis sociaux et économiques qui sont là. Sans quoi, nous assisterons aux ravages du dégagisme…