Le baiser de la mort
Un édito de Francis Van de Woestyne.
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Publié le 12-04-2022 à 06h41
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Entre un président rationnel, progressiste, européen, jugé distant mais constant, technocratique mais énergique, lointain mais éclairé, et une candidate d’extrême droite qui a réussi à polir son discours jusqu’à faire oublier ses obsessions identitaires, il n’y a pas une seconde à hésiter. Pourtant, de nombreux électeurs de droite et de gauche sont prêts à s’abstenir ou à voter pour l’amie de Viktor Orban et de Vladimir Poutine. Le scénario "inenvisageable" n’est plus à exclure. Pour trois raisons.
Tout d’abord, parce que le président, si peu candidat, concentré il est vrai sur les dossiers internationaux, a donné l’impression d’enjamber l’élection, de snober les citoyens, alimentant l’image d’un homme hautain, peu connecté avec la souffrance réelle des gens. Quinze jours, c’est peu pour changer une image. C’est indispensable. Le fond compte. La perception aussi.
Marine Le Pen s’est "présidentialisée". Dans certains médias, on ne parle plus d’elle comme une candidate de l’extrême droite mais de la droite nationaliste. Elle a refusé le moindre contact avec Éric Zemmour, qui a pourtant appelé à voter pour elle. Pour Marine Le Pen, ce serait le baiser de la mort, alors que, fondamentalement, leurs idées sont pareilles. Au contact de la "France d’en bas", elle bat réellement la campagne. Comme le disait Chirac (qui ne supporterait certainement pas la comparaison), elle va chercher l’électeur avec les dents.
Les citoyens voteront en fonction d’un seul élément : le pouvoir d’achat. Le thème est crucial mais aussi propice à toutes les démagogies. En politique, on est élu, non pour son bilan - Le Pen n’en a pas, celui de Macron n’est pas mauvais - mais pour ses promesses. Celles de Marine Le Pen dépassent les 100 milliards d’euros. Impayable. Emmanuel Macron a aligné trois idées dont la gauche, là où se trouve sa principale réserve de voix, ne veut pas : la retraite à 65 ans - indispensable -, l’attribution d’un revenu de solidarité sous conditions et le payement des professeurs au mérite. Mérite, un gros mot pour la gauche. D’une part, de la démagogie qui passe pour de la générosité. De l’autre, de la clairvoyance, vue comme de l’arrogance.
Le compte à rebours a commencé. Chaque voix compte. Si Emmanuel Macron ne s’investit pas totalement, humainement, notre cher pays voisin sombrera. L’Europe suivra.