Ceci n’est pas une crise. C’est une honte
Un édito signé Annick Hovine.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/e1f8177e-056d-41d8-a580-f7ba8ebc507b.png)
Publié le 14-12-2022 à 22h20 - Mis à jour le 14-12-2022 à 22h21
C’est l’hiver. Il fait caillant. La nuit, il gèle à pierre fendre. Une lapalissade, pas une surprise : on est au cœur du mois de décembre. Pourtant, des centaines d’hommes seuls (surtout), de femmes et, aussi, d’enfants sont laissés à la rue. À Bruxelles, mais aussi à Liège, à Charleroi, à Namur ou à Arlon, le nombre de sans-abri et de mal-logés a explosé au cours des trois dernières années. Les demandeurs d’asile auxquels l’État n’accorde pas le gîte et le couvert auxquels ils ont droit viennent gonfler les rangs des humains qui dorment sur des bancs, dans des arrêts de bus, sous une tente. Ou battent le pavé glacé des trottoirs pendant toute la nuit pour ne pas s’endormir – ce serait mourir – avant de s’échouer quelques heures dans la tiédeur d’une bouche de métro.
Depuis plusieurs semaines, les associations de terrain alertent les politiques : attendra-t-on un mort pour bouger ? La situation se débloque depuis quelques heures. On trouve des places dans des gymnases, on élargit la capacité des structures d’accueil pour sans-abri, on pousse les murs des centres Fedasil pour “faire face à la crise”.
Sauf que ceci n’est pas une crise. C’est un scandale. C’est une honte. C’est un refus cynique et assumé. Parce que des solutions existent pour mettre quasi illico tout le monde, avec ou sans papiers, à l’abri. Comme ouvrir des casernes. Ou, autre exemple, loger les personnes dans les chambres inoccupées des hôtels. Cela a été fait au printemps 2020, quand la pandémie de Covid-19 a touché la Belgique. Des budgets extraordinaires ont été débloqués par les Régions wallonne et bruxelloise pour confiner les populations sans abri. En quelques jours, le vilain petit virus a forcé ce qui était jusque-là jugé impossible. Cette expérience a d’ailleurs permis de tester, à grande échelle, le modèle du housing first comme moyen de sortir les gens durablement de la rue. La mise à disposition d’un logement pendant quelques mois, avec un accompagnement social, avait enclenché une dynamique positive et raccroché les personnes sans toit aux structures d’aide et de soins.
C’est donc possible de sortir du sans-abrisme. Si on le décide et qu’on s’en donne les moyens.