Cultiver l'art de la résistance
Un édito de Karin Tshidimba.
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Publié le 27-02-2023 à 06h35 - Mis à jour le 27-02-2023 à 15h12
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Ils sont 10 000 festivaliers attendus cette semaine, venus de toute l’Afrique, mais aussi du monde entier en quête du prochain Timbuktu - le film franco-mauritanien d’Abderrahmane Sissako, qui avait raflé 7 César en 2015 - ou du prochain En Route pour le milliard, le documentaire du Congolais Dieudo Hamadi, sélectionné à Cannes en 2020 et récompensé notamment à Genève au Festival du film sur les Droits humains.
La 28e édition du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) s’est ouverte ce samedi dans un pays toujours placé sous régime militaire et en proie à la déferlante djihadiste dans le nord de son territoire. Bien sûr, l’événement doit composer avec une sécurité renforcée et lors des deux dernières éditions déjà, les festivaliers avaient dû accepter les fouilles régulières, les détecteurs de métaux et la forte présence d’hommes en armes. Malgré la menace constante, le Burkina Faso fait front et a choisi de braquer les projecteurs sur son voisin et frère dans la douleur, le Mali, désigné en tant que "pays invité". La violence aveugle qui les mine s’exprime dans la sélection 2023 avec des films comme L’Envoyée de Dieu de la Nigérienne Amina Abdoulaye Mamani ou Epines du Sahel du Burkinabè Boubakar Diallo.
Il faut saluer le courage de ceux qui, en temps de guerre, continuent à entretenir la paix en la nourrissant de partages et rencontres culturelles. Ceux qui organisent des festivals de musique, de danse, de théâtre ou de cinéma dans des pays en proie à la terreur afin de permettre aux populations d’exprimer la leur et de voir, à l’écran ou sur scène, leurs histoires racontées et comprises par d’autres. Ce n’est qu’à travers la parole, l’image ou le son que les traumas peuvent se dépasser. Le silence des hommes scelle le tombeau des âmes.
S’il importe que ces combats et ces appels à la paix soient portés jusqu’en Europe, il est vital qu’ils s’expriment dans les lieux mêmes où ces souffrances sont vécues. Il faut saluer les bailleurs de fonds qui permettent aux organisateurs de poursuivre leur marche en avant en offrant aux populations l’espoir qu’un jour viendra où leur vie retrouvera la saveur de ces trop rares instants de répit. "Si ce n’est pas pour la culture, pourquoi nous battons-nous, alors ?", aurait demandé Winston Churchill pendant la Seconde guerre mondiale. C’est par les récits et l’imaginaire partagés, que résistent les peuples. En Iran, en Ukraine, en République démocratique du Congo et au Burkina Faso.