Ne surtout pas réécrire l’Histoire
Un édito de Dorian de Meeûs.
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Publié le 05-03-2023 à 21h27 - Mis à jour le 05-03-2023 à 21h28
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Il est plus que temps de réécrire Mein Kampf afin d’effacer les dérives antisémites rédigées par Adolf Hitler. Cette idée vous choque ? Et pour cause, elle est absurde et même dangereuse. C’est pourtant la même logique de négation qui vise à réécrire le passé à l’aune de valeurs actuelles.
Traquer et gommer les aspérités littéraires, retoucher la couleur des personnages, effacer des dialogues misogynes, retravailler des expressions liées au genre et au physique… Ce qui était admis à une certaine époque devrait être effacé ou adapté selon les adeptes de la “cancel culture”. Ces militants voudraient ainsi retoucher les œuvres de Roald Dahl, Sade, Agatha Christie, Ian Fleming ou d’autres grands classiques de la littérature. Mais qui aide-t-on concrètement en omettant – par exemple – que les Noirs ont presque toujours été dominés ou que les droits des femmes étaient bafoués durant des siècles ? Qui décidera de ce qui est encore acceptable moralement ou pas ? Toute littérature a été créée dans un contexte particulier, pourquoi dès lors la réécrire ? Et de quel droit quelqu’un – qu’il soit militant, éditeur ou ayant droit – se donne-t-il le “privilège” de retravailler l’œuvre intellectuelle d’un tiers, aussi contestable ou polémique soit-elle ? D’ailleurs, tant d’artistes aiment bousculer leur public au travers de personnages malsains, grossiers, racistes, pervers ou nauséabonds. N’est-ce pas le rôle de l’art de nous surprendre ou nous interroger, plutôt que de satisfaire nos morales momentanées ?
La peur de choquer ou le refus de véhiculer des idées rétrogrades ne doivent en rien effacer notre passé. La richesse d’une civilisation n’est pas de le restaurer, mais de le remettre en cause dans le présent et écrire l’avenir. Au fil des années, notre vision du monde a changé, celle sur les ethnies et les relations humaines, sociales et sexuelles aussi. Seule une bonne et complète compréhension du passé nous évitera à toutes et tous de reproduire aujourd’hui encore les clichés et blessures d’antan. Nous n’écrivons plus comme avant. L’essentiel est là.
Cela dit, au lieu de "corriger" les œuvres des autres, les adeptes de la “cancel culture” ne tenteraient-ils pas de rédiger eux-mêmes les grands classiques populaires de demain?