En Turquie, les élections de la dernière chance
Un édito de Christophe Lamfalussy.
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Publié le 12-05-2023 à 23h57
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Nombreux sont ceux qui vont retenir leur souffle, dimanche soir, à l’annonce des premiers résultats des élections en Turquie. Car les quelque 60 millions d’électeurs turcs sont confrontés à un vrai choix de société : veulent-ils une société apaisée, tournée vers l’Europe, ou donner un troisième mandat à l’autoritaire Recep Tayyip Erdogan qui continue à leur fournir, dans ses harangues, l’ambition d’une Turquie forte, indépendante et anti-occidentale ?
Qu’on ne se trompe pas : l’histoire de la Turquie moderne, rythmée par des coups d’État, a rarement été tranquille. Le fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk, a imposé à ses concitoyens une marche forcée vers l’occidentalisation. Alliant islam et nationalisme, Erdogan a fait jeter en prison des dizaines de milliers de fonctionnaires, militaires, journalistes, professeurs sous le prétexte d’une tentative de coup d’État en 2016 ou de liens avec la guérilla kurde, le PKK.
Les derniers jours de la campagne ont été particulièrement éclairants sur la panique qui a gagné les rangs de la coalition gouvernementale à la lumière des sondages : presque tous donnent une avance à la présidentielle du candidat de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu. Erdogan a multiplié les annonces de hausses de salaire et de gaz gratuit ; il a reçu des bouées de sauvetage de la Russie et des monarchies du Golfe. Tout cela a un prix.
Élu il y a plus de vingt ans, Erdogan a remis le pays en ordre, lancé d’impressionnants travaux publics et régénéré l’industrie. Mais il a oublié le principal - la démocratie - et laissé croître une société polarisée, affaiblie par l’inflation, minée par la corruption, comme l’ont démontré les immeubles construits à la va-vite qui se sont effondrés comme des châteaux de cartes lors du double séisme de février. Enfin, Erdogan s’est lancé en solo dans des opérations militaires en Syrie, en Irak, en Libye, au Haut-Karabakh, rompant avec la tradition d’établir avec les pays voisins des partenariats économiques et le principe d’Atatürk : "paix à la maison, paix dans le monde".
Tout cela pèsera dans le scrutin de dimanche, qui dépasse les frontières de la Turquie. Ce n’est pas pour rien que l’opposition n’a qu’un seul mot d’ordre en tête : l’apaisement.