Les sirènes du nationalisme
Un édito de Christophe Lamfalussy.
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- Publié le 29-05-2023 à 22h00
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Que les Turcs aient choisi Erdogan, l’homme fort, bâtisseur et nationaliste, plutôt que Kiliçdaroglu, qui promettait de rétablir la démocratie dans ce pays stratégique, en dit long sur la période dans laquelle nous vivons.
Un peu partout dans le monde, des électeurs acceptent de solides entailles aux valeurs démocratiques sur lesquelles leur société a été bâtie et cèdent au chant du langage de la poigne et du nationalisme.
La voie est la plus simpliste et la plus démagogique dans un monde compliqué mais on ne peut que s’alarmer de la montée du nationalisme et de la volonté de puissance en Turquie et ailleurs tant celles-ci se retournent toujours, dans un premier temps, sur les minorités.
Recep Tayyip Erdogan nous promet aujourd’hui le “siècle de la Turquie”. Que veut-il dire ? Rétablir la puissance d’une Turquie qui serait redevenue ottomane et imposerait sa loi dans les pays voisins ? Ou simplement assurer à son pays le rang d’un pays qui compte sur la scène internationale et agit pour le bien de l’humanité ?
La Turquie a en commun avec la Russie de Poutine que ce sont des “puissances rentrées”. Leurs empires se sont réduits à peau de chagrin. Leur nationalisme peut être basé sur une frustration et sur un désir de revanche. De son palais d’Ankara, Erdogan a fait résonner ce chant-là : il s’est référé au sultan Mehmet II, dit le Conquérant, en réhabilitant Sainte-Sophie en mosquée. Il entend célébrer le 29 octobre prochain le centième anniversaire de la République turque d’Atatürk, qu’il dépasse déjà en longévité.
Pour les cinq années à venir, l’Europe n’a pas d’autre choix que de s’accommoder de ce leader très transactionnel et avec une Turquie qui aspire à devenir une puissance économique et politique.
Le message venu de l’Anatolie centrale est clair : une partie des Turcs plébiscitent un État fort, indépendant, qui n’ait de comptes à rendre à personne.
La Turquie a largué les amarres de son ancrage occidental et de ses aspirations à entrer dans l’Union européenne. Le Kremlin, qui a de “très grandes ambitions avec elle”, et d’autres n’attendent que cela. Avec sa monnaie qui a perdu près de 90 % de sa valeur en une décennie et des réserves en devises qui ont fondu, la Turquie est aussi devenue une proie pour le chat.