Bons baisers de New York
Un édito de Gilles Toussaint.
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- Publié le 08-06-2023 à 22h56
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Au premier regard, l'image fait presque penser à une carte postale : de majestueux gratte-ciel se découpant sur un ciel orangé, pareil à un somptueux coucher de soleil. À mieux y regarder pourtant, ce ciel est d'un teint crayeux. Les passants qui arpentent ces rues surtout, foulard sur le nez ou masque "anti-Covid" ressorti en catastrophe des tiroirs, n'affichent pas vraiment une mine réjouie. C'est alors plutôt La route, formidable et terrifiant roman post-apocalyptique de Cormac McCarthy, qui vient à l'esprit. Depuis deux jours, la ville de New York, épicentre de l'économie capitaliste mondiale et symbole s'il en est de la puissance des sociétés "modernes", est baignée dans un brouillard de fumées chargées en particulestoxiques. Un niveau de pollution jamais atteint à ce jour à "Big Apple", qui a forcé les autorités sanitaires à fermer un certain nombre d'établissements publics, notamment des écoles, et à conseiller à leurs concitoyens de rester calfeutrés dans leurs logements. Tous aux abris…
À l'origine de ce problème, les immenses et précoces feux de forêt en cours en Canada. Des incendies "sans précédent", pour reprendre une expression déjà périmée, dont les fumées ont été poussées par les vents vers le nord-est des États-Unis voisins. Outre les New-Yorkais, plus de 100 millions de personnes sont ainsi exposées à un air littéralement irrespirable. Ne cherchez pas bien loin la cause du phénomène : "It's global warming, stupid"…
Les incendies succèdent ainsi aux inondations, qui elles-mêmes succèdent à des sécheresses de plus en plus désastreuses… Le risque est grand, pourtant, de voir rapidement cet épisode s’effacer des mémoires, se banaliser alors que de tels événements, causés par les dérèglements climatiques, sont appelés à se multiplier et à s’amplifier. Par lassitude, déni ou sentiment d’impuissance. C’est sans doute là que réside le plus important danger. Une faille dans laquelle s’engouffrent aujourd’hui les pétromonarchies, les compagnies pétrolières, et tous les secteurs "fossilo-dépendants" qui traînent dans leur sillage, pour tenter d’affaiblir les ambitions environnementales européennes et de torpiller les déjà maigres avancées acquises dans le cadre négociations climatiques internationales, alors que se profile le sommet de Dubai (Cop 28). Plus que sur des activistes "jeteurs de soupe" ou bloqueurs d’autoroute, c’est sur ces acteurs-là que les gouvernements doivent mettre une pression à la mesure de leurs responsabilités.
