Face à la migration, un pragmatisme illusoire
Un édito de Maria Udrescu.
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- Publié le 18-09-2023 à 23h59
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En s’entêtant à résoudre le casse-tête migratoire surtout (voire seulement) en passant des accords avec des pays tiers, l’Union européenne se ment à elle-même. En atteste la situation sur l’île italienne de Lampedusa, où des milliers de demandeurs d’asile ont débarqué en l’espace de quelques jours, malgré l’accord controversé signé en juillet avec la Tunisie pour tarir ces flux. Cette "crise" est avant tout celle de la stratégie européenne, toujours plus axée sur la concrétisation de "l’Europe forteresse", grâce aux partenaires (lisez : gendarmes) que doivent être les États situés sur les routes migratoires. On nous dira qu’il s’agit d’être pragmatique. Que pour "protéger" nos frontières, il faut se résoudre à amoindrir nos valeurs et verser des mannes d’argent à des régimes peu respectueux des droits humains et de la démocratie. Que l’accord passé en 2016 avec la Turquie, en dépit de la dérive autoritaire du président turc Erdogan, a permis de diminuer les arrivées en Grèce (même s’il a aussi abouti à y entasser les candidats à l’asile dans des camps détention à ciel ouvert…). On nous fera croire que c’est pour sauver des vies en mer qu’il faut coopérer aussi avec la Libye, dont les gardes-côtes sont formés et équipés avec de l’argent européen pour repêcher ceux qui prennent le large depuis cet "enfer pour migrants" vers l’Europe.
Regardons la réalité en face. Le président Erdogan s’en charge si souvent qu’il ne faut plus rappeler que la Turquie dispose d’un levier de pression migratoire sur l’UE. Le coup d’État au Niger a réveillé les craintes des États membres quant à la déstabilisation de ce "partenaire modèle" en matière migratoire. L’accord passé avec la Tunisie légitime un régime autoritaire et raciste dont les abus sont la cause même des départs vers l’Europe. Les chiffres des arrivées via la route de la Méditerranée centrale frôlent ceux de la crise de l’asile de 2016. À force de se bercer d’illusions quant à ces partenariats, l’UE a voulu oublier qu’elle doit se doter avant tout d’une politique pour gérer la migration et l’asile en interne. Cette (absence de) vision nous coûte, à nous Européens, trop cher, nous poussant à brader notre souveraineté pour des résultats contestables. Le prix est même insupportable, si on compte l’affaiblissement des valeurs européennes et, surtout, du devoir élémentaire de protéger des vies humaines.