Après Copenhague, changeons de cap
Depuis plus de 30 ans mon métier m’amène aux quatre coins de la planète pour résoudre des problèmes de sécheresse, d’inondations, de manque d’eau, etc. Un peu partout j’ai côtoyé des paysans vulnérables soumis aux caprices de celui qui sur eux a droit de vie et de mort: le Climat.
Publié le 13-01-2010 à 07h45 - Mis à jour le 13-01-2010 à 10h57
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Depuis plus de 30 ans mon métier m’amène aux quatre coins de la planète pour résoudre des problèmes de sécheresse, d’inondations, de manque d’eau, etc. Un peu partout j’ai côtoyé des paysans vulnérables soumis aux caprices de celui qui sur eux a droit de vie et de mort: le Climat. J’ai donc suivi avec intérêt la pagaille de Copenhague. Un aspect a attiré mon attention plus que tout autre : désormais des centaines de millions de ressortissants des pays en développement sont amenés à croire que la cause de toutes leurs misères c’est nous, nous l’homme occidental avec ses dangereuses émissions de CO2. Que lorsque les crues emportent leurs villages et tuent leurs enfants, ce n’est plus Dieu qui se fâche, mais c’est notre CO2 qui bouleverse le climat de la terre.
Pendant des décennies, l’Afrique nous a appelés à l’aide. Aujourd’hui elle exige des "dédommagements". La nuance est de taille. Et elle a de quoi effrayer. D’un dialogue amical de coopération Nord-Sud, nos relations évoluent progressivement vers un divorce à couteaux tirés. Lancée fin des années 70, l’affirmation que le CO2 émis par l’activité humaine, le C02 dit "anthropique", est en train de bouleverser le climat a rapidement séduit une foule grossissante d’adeptes, soucieux d’une planète en bonne santé. Mais cette thèse a aussi séduit bon nombre d’alarmologues, de prédicateurs de l’apocalypse et de politiciens en mal d’électeurs. Les anticapitalistes les plus radicaux se sont empressés de prendre la tête du cortège.
Cette thèse a dégénéré en une accusation grave de l’homme occidental. Ceux qui osent en douter sont traités de négationnistes, d’assassins, ou de constructeurs de chambres à gaz. Bref, un climat détestable a fini par s’installer. Le discours apocalyptique martelé depuis des années verse non seulement de l’huile sur le feu du dialogue Nord-Sud. Il conduit aussi à détourner l’aide internationale et à instaurer des taxes protectionnistes absurdes, approfondissant encore le gouffre qui nous sépare.
Alors qu’il n’existe pas de preuve scientifique que le CO2 anthropique est en train de bouleverser le climat, nous sommes sur le point de sanctionner l’humanité toute entière en vertu du seul principe de précaution, sur base d’indices et de présomptions. Prétendre qu’il y a un consensus sur cette question est mensonger. De nombreux doutes subsistent encore dans le monde scientifique. Rappelons que les activités humaines n’émettent que 5 % des émissions totales de CO2 sur terre et sur mer. Que bien d’autres paramètres entrent en jeu. Que les quantités d’eau évaporées sont des milliers de fois plus élevées. Que le phénomène d’absorption du carbone par les océans est encore mal connu. Que l’agriculture, en pleine expansion, est un puissant absorbeur de CO2. Et enfin que ce gaz n’est pas un sale polluant, mais un gaz aussi noble et vital que l’oxygène.
Quant au changement climatique, il convient d’être un peu plus nuancé. L’accroissement de température n’a été que d’environ 0,7°C au siècle dernier et la montée des océans de 2 mm/an. A ce rythme il faudrait des milliers d’années pour atteindre les niveaux apocalyptiques présentés dans les medias. Et pendant que nous sommes inondés de nouvelles alarmistes, les bonnes nouvelles passent à la trappe. Qui sait qu’au Pôle Sud la glace serait en train de s’épaissir ? Qu’il ferait plus froid aujourd’hui qu’au Moyen-Age ? Que la fonte de la banquise est peut-être en train de se ralentir, ou même de s’inverser ? Que la sécheresse au Sahel toucherait à sa fin ? Qu’au Maroc, jamais les barrages n’ont été aussi pleins que cette année ? Même tendance à Assouan.
Bref, les contre-arguments ne manquent pas et il faut donc savoir garder un esprit critique. Le débat est loin d’être clos et devrait se poursuivre avec plus de tolérance et d’humilité. La planète est immense et l’homme tout petit. Il ne dispose pas encore du recul nécessaire ni des réseaux de mesure suffisamment denses et précis pour se prononcer avec autant de certitude et de dogmatisme sur des phénomènes aussi complexes et variables dans le temps et dans l’espace. Arrêtons donc de nous auto-flageller pour un crime qui est encore loin d’être prouvé. Et en attendant ces preuves, arrêtons cette course folle dans l’inconnu et changeons de cap.
Continuons à lutter pour un environnement plus sain et une gestion plus rationnelle de nos ressources, mais en évitant les amalgames et sans perdre de vue que pour des milliards d’êtres humains la priorité est d’abord de nourrir, de soigner et d’éduquer leurs enfants. C’est à juste titre que les pays pauvres souhaitent d’abord consacrer l’aumône de l’aide au développement à la croissance de leurs économies fragiles. Ceux qui n’ont pas grand-chose d’autre que leurs rêves aspirent au même bien-être que le nôtre. Et prétendre du haut de nos buildings climatisés ou de nos hélicoptères que ces rêves sont un danger mortel et qu’il faut freiner le développement est pour le moins indécent.
L’idée d’un Fonds ou d’une Agence Mondiale pour le Climat a été discutée à Copenhague. Je préfèrerais pour ma part l’idée d’un Fonds ou d’une Agence Mondiale pour l’Eau, afin d’aider les pays en développement à mieux faire face aux aléas climatiques naturels. Le développement des pays pauvres est en effet entravé par de multiples problèmes d’eau, sans que cela n’ait grand-chose à voir avec notre CO2. Inondations, sécheresses, cycles de vaches maigres et de vaches grasses existent depuis la nuit des temps. Mais ces phénomènes sont exacerbés aujourd’hui par une démographie galopante, une déforestation incontrôlée, une mauvaise gestion du territoire et un manque criant d’infrastructures.
L’eau est ainsi devenue un des enjeux majeurs de l’humanité. Et une source de conflits. Les pays développés ne parviennent à maîtriser l’eau que grâce à d’énormes investissements: des dizaines de milliers de grands barrages, des centaines de milliers de km de digues et de canaux, des centaines de millions d’hectares d’irrigation et d’innombrables stations d’épuration. C’est ce savoir-faire qu’il faut partager, en y consacrant les milliards d’euros nécessaires, tout en gardant confiance en l’homme et en sa créativité.