Conseils

Lionel est un élève que j’ai depuis la 4e. Il fit une bonne 4e, sans problème, et une très bonne 5e, terminant premier de sa classe. Je l’ai toujours considéré comme un très bon élève, régulier, studieux, intelligent. Je ne lui avais jamais posé de questions sur son passé scolaire. Et je ne m’en étais jamais posé. Cette année - sa 6e -, à l’occasion du remplissage d’une "fiche" pour l’école, je me rends compte que Lionel a en fait eu, avant que je le connaisse, un parcours scolaire assez chaotique, marqué par l’échec, le redoublement, la relégation. Que se serait-il passé si je l’avais su dès sa 4e ? L’aurais-je dès le début autant considéré comme un bon élève ? Ou l’aurais-je perçu comme un élève ayant des difficultés, un "petit moteur", comme on entend parfois dans les conseils de classe ? Et quelle aurait été mon attitude envers lui ? Peut-être aurait-elle été différente ? Très probablement aurait-elle été différente. C’est ce que révèle l’"effet pygmalion", qui signifie que l’élève tend à se conformer à l’attente du professeur à son égard, et donc à la perception que le professeur a de lui. C’est pourquoi on parle de "prophétie autoréalisatrice". Dans la célèbre enquête de Jacobson et Rosenthal, "Pygmalion in the Class Room" (1968), de fausses informations avaient été données aux professeurs quant aux capacités de leurs élèves. L’enquête montre que les professeurs, se basant sur ces informations erronées, se sont comportés différemment avec leurs élèves, selon les capacités fictives qu’ils percevaient chez eux. A la fin de l’année, les élèves perçus comme les plus capables ont significativement amélioré leurs résultats. Ils sont "devenus" ce qu’on attendait d’eux : des élèves réussissant bien. D’où le nom d’effet "Pygmalion".

Yves Patte

Comment faire pour que chaque année soit vraiment une nouvelle année ?

Lionel est un élève que j’ai depuis la 4e. Il fit une bonne 4e, sans problème, et une très bonne 5e, terminant premier de sa classe. Je l’ai toujours considéré comme un très bon élève, régulier, studieux, intelligent. Je ne lui avais jamais posé de questions sur son passé scolaire. Et je ne m’en étais jamais posé. Cette année - sa 6e -, à l’occasion du remplissage d’une "fiche" pour l’école, je me rends compte que Lionel a en fait eu, avant que je le connaisse, un parcours scolaire assez chaotique, marqué par l’échec, le redoublement, la relégation. Que se serait-il passé si je l’avais su dès sa 4e ? L’aurais-je dès le début autant considéré comme un bon élève ? Ou l’aurais-je perçu comme un élève ayant des difficultés, un "petit moteur", comme on entend parfois dans les conseils de classe ? Et quelle aurait été mon attitude envers lui ? Peut-être aurait-elle été différente ? Très probablement aurait-elle été différente. C’est ce que révèle l’"effet pygmalion", qui signifie que l’élève tend à se conformer à l’attente du professeur à son égard, et donc à la perception que le professeur a de lui. C’est pourquoi on parle de "prophétie autoréalisatrice". Dans la célèbre enquête de Jacobson et Rosenthal, "Pygmalion in the Class Room" (1968), de fausses informations avaient été données aux professeurs quant aux capacités de leurs élèves. L’enquête montre que les professeurs, se basant sur ces informations erronées, se sont comportés différemment avec leurs élèves, selon les capacités fictives qu’ils percevaient chez eux. A la fin de l’année, les élèves perçus comme les plus capables ont significativement amélioré leurs résultats. Ils sont "devenus" ce qu’on attendait d’eux : des élèves réussissant bien. D’où le nom d’effet "Pygmalion".

Et vous, collègues, comment avez-vous perçu vos élèves lors de cette rentrée scolaire ? Les avez-vous perçus comme porteurs de leurs échecs passés ? Ou comme des acteurs de réussite potentielle future ? Avez-vous pensé que, dès ce premier jour, vous pouviez prédire qui réussirait en juin ? Ou vous êtes-vous dit que tous pouvaient réussir en juin et que tel était votre objectif ? Et que leur avez-vous dit ? Les avez-vous confortés dans l’idée que l’intelligence et les capacités sont fixées, que certains vont y arriver et d’autres pas ? Ou que tous peuvent y arriver, parce que les capacités, ça s’apprend, ça se travaille, ça se développe ? On ne peut pas prédire les résultats futurs d’un élève à partir de ses résultats passés. D’année en année, j’en suis venu à cette certitude que chaque année est une nouvelle. Si, et seulement si, on le décide ! J’ai connu des élèves ayant des difficultés terminer l’année suivante premiers de classe ; doubler, tripler, et finir premiers de promotion. Mais j’en ai connu également qui, d’année en année, finissaient par se convaincre qu’ils étaient "nuls", qu’ils ne pourraient jamais réussir, qu’ils auraient toujours des échecs en telle ou telle branche. Et devinez quoi ? Si on est convaincu d’échouer on échoue. Alors, c’est à nous, enseignants, d’inculquer aux élèves cette certitude qu’on peut repartir de zéro à chaque début d’année, quel qu’ait été leur parcours scolaire, rien n’empêche qu’ils réussissent avec succès cette année. Je veux pouvoir considérer que chaque élève peut être le meilleur élève de ma classe. Pourtant, trop d’écoles fonctionnent encore avec des dossiers scolaires d’élèves ("carnets de route" ou autres) que les élèves traînent derrière eux comme de véritables boulets ; des dossiers qui s’alourdissent d’année en année, de conseil de classe en conseil de classe, au fur et à mesure que se rajoutent les échecs, les remarques, les redoublements. Comme si on donnait à ceux qui devront vous juger un dossier comprenant tous vos points faibles, vos défauts, vos échecs passés. Une sorte d’anti-CV

Chaque année est une nouvelle année. Ne consultez pas les dossiers sur le parcours scolaire de vos élèves. Il sera toujours temps d’aller le consulter si vous sentez un souci particulier avec un élève. Ne demandez pas à vos collègues des années en dessous de vous parler de vos nouveaux élèves. Vous arrivez en cours d’année ? Utilisez le moins possible le cahier de notes de votre prédécesseur. Que ses notes n’influencent pas votre perception du niveau de chaque élève. Peut-être étaient-ils en échec avec lui, peut-être réussiront-ils magnifiquement avec vous ? Présentez toujours vos élèves positivement à vos collègues. Il ne s’agit pas de mentir, il y a toujours quelque chose de positif et de vrai à dire. Et confortez vos élèves dans l’idée que chaque année est une nouvelle année. Un élève manque de confiance en lui ? Renvoyez-lui une image différente de lui-même que celle qu’il se fait. Dites-lui que vous le considérez comme un très bon élève. Toute condition sociale égale par ailleurs, l’image qu’on renvoit aux élèves de leurs propres capacités est fondamentale pour leur réussite. ENSEIGNANT, SOCIOLOGUE; HTTP://WWW.YVESPATTE.COM

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